Tiens donc. Le géant de l’e-commerce, celui qui a bâti son empire sur le service client irréprochable (et la facilité des retours qui va avec), vient de sortir le grand balai. Lors de la conférence téléphonique sur les résultats le 1ᵉʳ mai dernier, Brian Olsavsky, le directeur financier d’Amazon, a lâché le chiffre : une charge d’environ 1 milliard de dollars enregistrée dans les comptes. La raison ? Des « retours clients historiques », certains remontant, tenez-vous bien, jusqu’en 2018. Un coup de semonce financier qui ne sort pas de nulle part, mais s’inscrit dans une série de changements majeurs et moins reluisants côté gestion des retours et des stocks pour les vendeurs partenaires.
Quand les retours étaient un (coûteux) acte de foi
Avant de comprendre ce qui a pu justifier une telle charge financière pour des transactions datant d’aussi loin, il faut se replonger dans le Far West, parfois généreux, parfois chaotique, des politiques de retour d’Amazon.
- La fenêtre standard de 30 jours pour la majorité des articles était déjà plus souple que chez bien des concurrents.
- Les parents chanceux avaient 90 jours pour les articles de puériculture, et ceux qui célébraient une naissance ou un mariage pouvaient étirer ça à 365 jours ou 180 jours respectivement via les listes cadeaux.
- Celle qui achetaient un matelas avaient jusqu’à 100 jours pour se décider.
- Exceptions : produits numériques (impossible ou très complexe), billets de concerts ou parcs, cartes cadeaux, ou même les plantes vivantes… un labyrinthe.
Cette complexité, doublée d’une culture du « oui » au client pour éviter les litiges, a créé un système où les retours s’empilaient. Et le gros du travail (et des coûts) retombait sur les épaules des vendeurs, surtout ceux qui utilisaient le service FBA (Fulfillment by Amazon).
2024 : Amazon met les vendeurs aux manettes… un peu
L’année 2024 a marqué un tournant, signe qu’Amazon cherchait à dégraisser le processus des retours et à rendre les vendeurs plus responsables – et parfois moins remboursés – dans l’affaire.
- Remboursement sans retour automatisé : mise en place de règles automatiques pour déclencher un remboursement sans renvoi, selon la valeur, la catégorie, la raison du retour ou la fenêtre de retour.
- Gestion automatisée des stocks FBA invendables : paramètres automatiques pour renvoyer ou détruire l’article, contre frais.
- Fenêtres de retour élastiques : délais de traitement rallongés, signe que le système peinait à suivre le volume ou optimisait la trésorerie.
2025 : Le choc des remboursements FBA – du prix de vente au prix coûtant
Le 31 mars 2025, Amazon a modifié sa méthode de calcul du remboursement versé au vendeur pour les articles FBA retournés et jugés invendables. Avant, le montant remboursé était basé sur le prix de vente. Désormais, il l’est sur le coût d’acquisition déclaré par le vendeur : fini de protéger la marge, place au remboursement à prix coûtant.
La facture de 1 milliard de dollars : le prix du passé ou de la transition ?
Plusieurs interprétations expliquent cette charge liée à des retours depuis 2018 :
- Grand ménage comptable : régulariser des erreurs ou divergences de traitement dans les remboursements clients et vendeurs.
- Coût de la transition 2025 : audit massif pour réconcilier l’ancien modèle (prix de vente) et le nouveau (coût d’acquisition).
- Anticipation des coûts réels : provisionner les incertitudes et litiges induits par les nouvelles politiques.
Cette charge montre que la gestion des retours n’était pas aussi maîtrisée qu’il n’y paraissait, même pour Amazon, qui a pourtant récemment dépassé Walmart en chiffre d’affaires, marquant un tournant historique dans le commerce mondial.
Le nouveau visage des retours Amazon : impacts concrets
Pour les Vendeurs (FBA et FBM)
Le paysage a radicalement changé, et pas toujours pour le meilleur, surtout pour les FBA. Cette évolution s’inscrit dans une stratégie plus large d’automatisation et d’optimisation des processus logistiques d’Amazon :
Ces changements significatifs interviennent dans un contexte où la concurrence s’intensifie avec l’émergence de nouvelles solutions logistiques permettant aux marques de rivaliser avec l’infrastructure d’Amazon. Les vendeurs pourraient être tentés d’explorer ces alternatives face à la réduction des marges imposée par les nouvelles politiques de remboursement.
La gestion des retours reste un défi majeur pour tout l’écosystème du e-commerce, et les récentes décisions d’Amazon pourraient redessiner l’avenir des relations entre la plateforme et ses vendeurs partenaires.