Amazon, le mastodonte du e-commerce, est en pleine mutation. Sous l’impulsion d’Andy Jassy, le géant s’attaque à sa couche managériale, dans une opération « dégraissage » qui vise à supprimer des milliers de postes. L’objectif affiché : retrouver l’agilité d’une startup et doper la rentabilité. Mais en interne, l’ambiance est électrique. Entre craintes pour l’avenir et frustrations face aux nouvelles directives, la grogne monte chez les Amazoniens.
Un retour aux sources… coûte que coûte
Jassy martèle son mantra : revenir à l’esprit startup qui a fait le succès d’Amazon. Fini les strates de managers, place à des équipes plus autonomes, plus réactives. Concrètement, l’entreprise pousse les différents départements à recruter des jeunes diplômés, à se séparer de cadres supérieurs jugés superflus et surtout, à réduire drastiquement le ratio managers/employés.
Cette cure d’amaigrissement managérial s’accompagne d’une révision des méthodes de travail. Le retour au bureau cinq jours sur cinq, imposé malgré les protestations, a jeté un froid parmi les adeptes du télétravail.
On nous avait promis de la flexibilité, et maintenant on revient en arrière. C’est un coup dur pour beaucoup d’entre nous
confie un employé sous couvert d’anonymat.
AWS, le fer de lance, en première ligne
Amazon Web Services (AWS), la vache à lait du groupe, n’est pas épargnée par la tempête. La nouvelle règle, symbolique mais lourde de sens, impose à chaque manager de superviser au moins huit collaborateurs directs, contre six auparavant. Une façon d’optimiser la pyramide managériale… et de justifier les coupes franches dans les effectifs. Selon les analystes de Morgan Stanley, jusqu’à 13 834 postes pourraient être supprimés, générant des économies colossales, estimées entre 2,1 et 3,6 milliards de dollars par an. Une manne financière bienvenue pour financer les ambitions d’Amazon dans l’intelligence artificielle et les centres de données.
Au sein d’AWS, qui compte 115 000 collaborateurs sur les 1,55 million d’Amazon, la tension est palpable. Aux réductions de postes managériaux s’ajoutent des audits de processus, sources d’inquiétude et de frustration.
On se demande qui sera le prochain sur la liste
témoigne un ingénieur.
L’innovation sacrifiée sur l’autel de la rentabilité ?
Si Jassy justifie ces mesures par la nécessité de libérer des fonds pour investir dans l’avenir, notamment dans l’IA, de nombreux employés craignent que cette centralisation accrue ne bride l’innovation, historiquement portée par une culture décentralisée. L’abandon de projets prometteurs, comme les caisses sans guichets dans les magasins Amazon Go ou certains services de télé-santé, renforce ce sentiment de malaise.
On a l’impression que la créativité est bridée, que l’on privilégie le court terme au détriment de la vision long terme
déplore un ancien manager.
Avant, on encourageait la prise de risque, l’expérimentation. Aujourd’hui, la priorité est donnée à la réduction des coûts, quitte à sacrifier des projets innovants
.
Promotions en berne et moral dans les chaussettes
Le mécontentement est palpable. Les enquêtes internes, citées par Bloomberg, révèlent un moral en chute libre. Les opportunités de promotion se raréfient, les voies d’avancement traditionnelles se bouchent, et l’incertitude règne.
Avant, on pouvait espérer gravir les échelons. Maintenant, avec la suppression des postes intermédiaires, c’est beaucoup plus compliqué
constate un employé amer.
Impact de la restructuration sur les employés | Détails |
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Moins d’opportunités de promotion | Les postes de middle management, traditionnellement un tremplin pour l’avancement, disparaissent. |
Retour au bureau 5 jours/7 | Fin de la flexibilité, source de frustration pour de nombreux employés. |
Abandon de projets innovants | La priorité donnée à la réduction des coûts impacte les initiatives à long terme. |
Baisse du moral | Incertitude quant à l’avenir et sentiment de dévalorisation. |
Un dauphin dans l’ombre de Jassy ?
Dans ce contexte tumultueux, la nomination d’Alex Dunlap, un vétéran d’AWS, comme nouvel advisor « en ombre » d’Andy Jassy, n’est pas passée inaperçue. Ce rôle, historiquement un tremplin vers les plus hautes sphères de l’entreprise (Jassy lui-même est passé par là), laisse supposer que Dunlap pourrait être pressenti pour succéder au PDG. Une nomination qui interroge, alors qu’Amazon traverse une période de profonde transformation.
L’avenir dira si la stratégie radicale d’Andy Jassy portera ses fruits. Entre réduction des coûts et quête d’agilité, Amazon joue un jeu dangereux. Le risque est grand de perdre des talents et de brider l’innovation, au moment même où la concurrence se fait plus féroce que jamais. Google et Microsoft, qui opèrent des restructurations similaires, observent attentivement les mouvements du géant de Seattle. L’ère Jassy est bel et bien en marche, et elle promet d’être mouvementée.