La filiale de SoftBank s’engage dans un partenariat stratégique de 250 millions de dollars pour transformer l’industrie des puces en Malaisie
Rafizi Ramli, ministre malaisien de l’Économie et architecte de cette nouvelle stratégie nationale pour les semi-conducteurs
La Malaisie vient de franchir une étape majeure dans sa quête pour devenir un acteur incontournable du marché mondial des semi-conducteurs. Arm Holdings, le géant britannique de la conception de puces détenu par SoftBank, a signé un accord de collaboration qui pourrait bien révolutionner l’industrie technologique du pays.
Un contrat à 250 millions de dollars sur 10 ans
L’accord, évalué à 250 millions de dollars sur une période de dix ans, prévoit que Arm fournisse à la Malaisie ses précieuses architectures de puces ainsi qu’un accès privilégié à ses technologies les plus avancées. Cette somme, bien que conséquente, représente un investissement stratégique pour le pays d’Asie du Sud-Est qui emballe actuellement environ 10% des semi-conducteurs mondiaux.
Le gouvernement malaisien ne cache pas ses ambitions : passer du simple assemblage de puces à la conception et à la fabrication de composants à plus forte valeur ajoutée. Avec l’aide d’Arm, le pays espère atteindre 1,2 billion de ringgit (environ 270 milliards de dollars) d’exportations de semi-conducteurs d’ici 2030.
Au-delà de l’assemblage : une vision stratégique
Historiquement, la Malaisie a joué un rôle crucial dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des semi-conducteurs, mais principalement dans les phases d’assemblage et de test – des segments à valeur ajoutée relativement faible par rapport à la conception et à la fabrication.
Ce nouveau partenariat avec Arm marque un tournant décisif dans la politique industrielle du pays. En accédant aux licences et au savoir-faire d’Arm, les entreprises malaisiennes pourront développer leurs propres puces adaptées aux besoins locaux et mondiaux, notamment dans des secteurs en pleine expansion comme l’Internet des objets (IoT), l’intelligence artificielle et les technologies mobiles.
Nous voulons construire un écosystème complet de semi-conducteurs en Malaisie, de la conception à la production en passant par le test. Ce partenariat avec Arm est la pierre angulaire de cette vision,
Arm : un partenaire de choix dans l’écosystème des puces
Le choix d’Arm comme partenaire stratégique n’est pas anodin. La société britannique, rachetée par le conglomérat japonais SoftBank en 2016 pour 32 milliards de dollars, est un acteur majeur du secteur des semi-conducteurs. Ses architectures de processeurs équipent plus de 95% des smartphones dans le monde et sont de plus en plus utilisées dans les centres de données, les véhicules autonomes et les appareils connectés.
Contrairement à des concurrents comme Intel ou AMD qui conçoivent et fabriquent leurs propres puces, Arm fonctionne sur un modèle de licence : l’entreprise conçoit des architectures de processeurs qu’elle propose ensuite à des partenaires qui les adaptent à leurs besoins spécifiques.
Ce modèle semble particulièrement adapté aux ambitions de la Malaisie, qui pourra ainsi bénéficier d’une technologie éprouvée sans avoir à réinventer la roue ou à investir des sommes colossales dans la recherche fondamentale.
Un contexte géopolitique favorable
Cette alliance s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier, marqué par les tensions sino-américaines et la volonté de nombreux pays de sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement en composants électroniques.
La pandémie de COVID-19 et les pénuries de puces qui ont suivi ont mis en lumière la fragilité de l’écosystème mondial des semi-conducteurs, largement concentré à Taïwan et en Corée du Sud. De nombreux pays, dont les États-Unis, l’Union européenne, le Japon et l’Inde, ont depuis lancé des initiatives pour développer leurs propres capacités de production.
La Malaisie, forte de son expérience dans l’assemblage de puces et de sa main-d’œuvre qualifiée, cherche à tirer profit de cette reconfiguration des chaînes de valeur mondiales. Le pays dispose déjà d’une base industrielle solide, avec la présence de géants comme Intel, AMD, Infineon ou Texas Instruments.
Les défis à relever
Malgré l’enthousiasme suscité par cet accord, plusieurs défis restent à surmonter pour que la Malaisie puisse réaliser ses ambitions :
- Formation de talents : La conception de puces nécessite des compétences pointues en microélectronique, un domaine où il existe une pénurie mondiale de talents.
- Infrastructures : La fabrication de semi-conducteurs avancés requiert des installations ultramodernes et coûteuses.
- Écosystème d’innovation : Développer une industrie de conception de puces nécessite un environnement favorable à l’innovation, avec des liens étroits entre universités, centres de recherche et entreprises.
- Concurrence internationale : La Malaisie devra se démarquer face à des concurrents bien établis comme Taïwan, la Corée du Sud ou la Chine.
Perspectives et impact sur le marché mondial
Pour Arm, ce partenariat représente une opportunité d’étendre son influence en Asie du Sud-Est, une région en pleine croissance économique et technologique. L’entreprise, qui a récemment fait son entrée en bourse à New York avec une valorisation de plus de 50 milliards de dollars, cherche à diversifier ses sources de revenus et à renforcer sa position face à des concurrents comme RISC-V, une architecture open source qui gagne en popularité.
Pour l’industrie mondiale des semi-conducteurs, cette alliance pourrait contribuer à une diversification géographique bienvenue, réduisant la dépendance vis-à-vis de quelques pays producteurs et renforçant la résilience des chaînes d’approvisionnement.
Si la Malaisie parvient à monter en gamme dans la chaîne de valeur des semi-conducteurs, elle pourrait servir d’exemple à d’autres économies émergentes cherchant à développer leurs industries technologiques et à capter une part plus importante de la valeur ajoutée.
L’avenir nous dira si ce pari audacieux permettra effectivement à la Malaisie de se hisser au rang des grandes puissances du secteur des semi-conducteurs, aux côtés de Taïwan, de la Corée du Sud et des États-Unis.