Après des mois de suspense et de négociations tendues, Cerebras Systems, le fabricant californien de puces IA révolutionnaires, vient d’annoncer avoir aplani tous les différends avec le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS). Un véritable coup d’accélérateur pour son introduction en Bourse, initialement prévue pour octobre 2024 et mise à mal par les liens controversés de Cerebras avec G42, un fonds d’investissement basé à Abu Dhabi.
Le spectre de G42 et les craintes de Washington
L’ombre de G42 planait sur Cerebras depuis un moment. Ce fonds émirati, étroitement lié au gouvernement d’Abu Dhabi, a injecté 335 millions de dollars dans la startup, devenant un partenaire financier crucial, voire vital. Pourtant, G42 traîne une réputation sulfureuse, notamment en raison de ses collaborations passées avec des entreprises chinoises comme Huawei, suscitant des inquiétudes à Washington quant à d’éventuels transferts de technologies sensibles. Le CFIUS, gardien de la sécurité nationale américaine, a donc mis son nez dans les affaires de Cerebras, retardant ainsi son IPO et mettant la pression sur la jeune pousse.
Des concessions stratégiques pour apaiser les tensions
Face à la pression du CFIUS, Cerebras et G42 ont dû mettre de l’eau dans leur vin. Les actions détenues par le fonds émirati ont été converties en titres non votants, limitant ainsi son influence sur les décisions stratégiques de Cerebras. De plus, G42 a conclu un accord de sécurité nationale avec les États-Unis, garantissant l’absence de toute fuite technologique vers des puissances étrangères. Un geste d’apaisement qui semble avoir convaincu le CFIUS de lever le veto. Ajoutons à cela les récentes nominations au Trésor américain qui ont permis de débloquer des postes clés et finaliser l’examen.
La WSE, un bijou technologique au cœur de la bataille de l’IA
Au-delà des considérations géopolitiques, Cerebras possède un atout majeur : sa puce révolutionnaire, la Wafer Scale Engine (WSE). Imaginez une puce gigantesque, intégrant 850 000 cœurs et 2,6 billions de transistors. Un monstre de puissance capable de surpasser les solutions concurrentes de Nvidia en termes d’efficacité énergétique et de rapidité de calcul. Avec son supercalculateur Condor Galaxy, Cerebras entend bien conquérir le marché de l’IA, estimé à 453 milliards de dollars d’ici 2027, et rivaliser avec des géants comme Google, Microsoft, et même des acteurs plus récents comme Groq et CoreWeave.
L’IPO, un pari ambitieux pour une licorne de l’IA
L’introduction en Bourse de Cerebras, orchestrée par Citigroup et Barclays, devrait valoriser l’entreprise entre 7 et 8 milliards de dollars, soit près du double de sa dernière valorisation privée (4 milliards de dollars en 2021). Un saut spectaculaire pour cette licorne de l’IA, qui espère lever entre 750 millions et 1 milliard de dollars. L’opération, prévue sur le Nasdaq sous le symbole CBRS, sera un test grandeur nature pour l’appétit des investisseurs pour ce secteur en plein boom. Malgré des pertes opérationnelles, Cerebras affiche une croissance fulgurante de son chiffre d’affaires : 78,7 millions de dollars en 2023 (+220% par rapport à 2022), et déjà 136,4 millions de dollars pour le premier semestre 2024. De quoi séduire les marchés ?
Un cas d’école pour l’avenir de l’IA américaine
L’aventure de Cerebras illustre les défis auxquels sont confrontées les entreprises américaines d’IA. Comment concilier l’innovation technologique avec la protection des intérêts nationaux dans un contexte de compétition géopolitique exacerbée ? La décision du CFIUS de donner son feu vert à l’IPO de Cerebras, après des mois de tergiversations, pourrait signaler un changement de cap. Un équilibre fragile entre la nécessité de soutenir l’innovation nationale et la vigilance face aux risques de transferts technologiques. L’avenir nous dira si ce pari s’avère gagnant. En attendant, Andrew Feldman, le PDG de Cerebras, ancien fondateur de SeaMicro (revendu à AMD en 2012), affiche une ambition démesurée : faire de Cerebras un leader mondial de l’infrastructure IA, capable de rivaliser avec les géants de la tech. L’IPO sera le premier grand test pour cette vision audacieuse.