C’est un revers cinglant pour les défenseurs d’un internet libre et équitable. La Cour d’appel américaine du sixième circuit a invalidé mardi 2 janvier 2025, le rétablissement des règles de neutralité du Net voulu par l’administration Biden. Ce jugement confirme les craintes des partisans de la neutralité et ouvre la voie à des dérives potentiellement graves pour l’accès à l’information en ligne.
Pour rappel, la neutralité du Net est un principe fondamental qui garantit un traitement égalitaire de tous les flux de données sur internet. Concrètement, elle empêche les fournisseurs d’accès à internet (FAI) de privilégier certains contenus, applications ou services en ligne au détriment d’autres. Imaginez un internet où votre FAI pourrait ralentir l’accès à vos sites d’information préférés au profit de ceux de ses partenaires commerciaux. C’est précisément ce type de scénario que les règles de neutralité du Net visent à prévenir.
Ces règles, initialement mises en place sous Barack Obama en 2015, avaient été démantelées par l’administration Trump en 2017, suscitant une levée de boucliers de la part des associations de défense des droits numériques et des entreprises du secteur technologique. L’administration Biden, convaincue de l’importance vitale de la neutralité du Net pour l’innovation et la liberté d’expression, avait entrepris de les restaurer dès son arrivée au pouvoir. La FCC (Federal Communications Commission), l’organisme régulateur des télécommunications aux États-Unis, avait ainsi voté en avril 2024 pour leur rétablissement.
C’est ce vote qui a été contesté en justice par plusieurs groupes industriels, notamment des FAI. Leur argument principal : la FCC n’aurait pas l’autorité légale pour imposer de telles règles. Et la Cour d’appel leur a donné raison, estimant que la FCC n’a pas respecté les procédures légales requises pour justifier une telle intervention.
Une décision lourde de conséquences
Ce jugement a de profondes implications pour le futur de l’internet américain. Sans la neutralité du Net, les FAI ont théoriquement les mains libres pour moduler le trafic internet à leur guise. Ils pourraient ainsi créer des « voies rapides » payantes pour certains services, reléguant les autres au rang de citoyens de seconde zone du web.
L’ombre de Brendan Carr plane sur la FCC
L’arrivée imminente de Brendan Carr à la tête de la FCC rend la situation encore plus préoccupante. Nommé par Donald Trump, Carr est un fervent opposant à la neutralité du Net. Il estime que ces règles constituent une intrusion excessive du gouvernement dans le fonctionnement d’internet et freinent l’investissement dans les infrastructures. « L’approche réglementaire légère a permis aux FAI américains d’investir massivement dans le déploiement de la fibre et de la 5G », a-t-il déclaré lors d’une conférence en 2023. On peut donc s’attendre à ce qu’il s’oppose fermement à toute tentative de rétablir la neutralité du Net.
Un combat loin d’être terminé
Malgré cette décision judiciaire défavorable, les défenseurs de la neutralité du Net ne baissent pas les bras. Plusieurs options sont envisageables : un appel devant la Cour Suprême, une intervention du Congrès pour clarifier les pouvoirs de la FCC ou encore une mobilisation citoyenne pour faire pression sur les FAI. L’enjeu est de taille : préserver un internet ouvert, accessible et neutre pour tous, un internet où la liberté d’expression et l’innovation ne soient pas bridées par les intérêts économiques de quelques acteurs puissants. Le débat sur la neutralité du Net est loin d’être clos, et il promet d’être au cœur des enjeux numériques des prochaines années.