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    Cruise se restructure : la fin du robotaxi et une réorganisation en profondeur

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    L’entreprise de véhicules autonomes Cruise traverse une période inédite et douloureuse. Après que General Motors a réorienté ses investissements vers la technologie de conduite autonome personnelle, l’entreprise a annoncé une réduction drastique de son effectif, impactant jusqu’à 50 % de ses employés, y compris nombre de ses dirigeants clés. Voici un compte rendu détaillé d’une opération de restructuration qui marque un tournant décisif pour Cruise.

    Robotaxis Cruise en stationnement
    Une flotte de véhicules autonomes Cruise stationnés, symbolisant l’arrêt des opérations de robotaxis. Source : Cruise via Fast Company

    Un remaniement organisationnel sans précédent

    D’après les informations obtenues par nos soins, le président et responsable administratif de Cruise, Craig Glidden, a annoncé par courriel à l’ensemble des collaborateurs qu’environ la moitié de l’équipe allait faire l’objet d’un licenciement. Ce mouvement drastique atteint également la direction générale, avec le départ programmé du PDG Marc Whitten, aux côtés de plusieurs autres responsables dont le directeur des ressources humaines Nilka Thomas, le responsable de la sécurité Steve Kenner et le chef mondial des affaires publiques, Rob Grant.

    Ces décisions se font dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise où ses activités seront désormais intégrées à General Motors (GM). Le géant américain a décidé de fermer le programme robotaxi pour se focaliser sur le développement de son système d’assistance à la conduite mains libres « Super Cruise » et, à terme, commercialiser des véhicules autonomes pour un usage personnel.

    Un contexte économique et stratégique robuste

    La décision de GM n’est pas le fruit du hasard. Depuis quelques mois, l’entreprise avait déjà amorcé un virage stratégique. En effet, GM a débuté l’année 2025 en annonçant le redéploiement de ses priorités vers une technologie de conduite autonome destinée aux particuliers, marquant ainsi la fin du financement du robotaxi. Ce changement de cap se traduit par une économie attendue pouvant atteindre jusqu’à 1 milliard de dollars par an, une fois les opérations de Cruise intégrées à GM.

    La refonte de la stratégie technologique se révèle d’autant plus logique quand on considère le contexte économique difficile dans lequel évoluent les entreprises de mobilité autonome. GM anticipe d’ailleurs une intégration complète des employés de Cruise dans ses effectifs dès le milieu de l’année 2025, dans le but de réaliser rapidement les économies d’échelle escomptées.

    Un effectif en pleine mutation

    Selon des estimations rapportées par deux sources internes à Cruise, l’entreprise compterait actuellement environ 2 100 collaborateurs. Ainsi, la moitié de ce nombre, soit plus de 1 000 salariés, devrait être impactée par ces licenciements. Les personnes concernées ont reçu un courriel personnalisé de la part de Nilka Thomas, précisant que leur statut restait inchangé sur le plan salarial jusqu’au 5 avril, et que leurs avantages sociaux se poursuivraient jusqu’à la fin du même mois.

    Par ailleurs, en amont de cette restructuration, la direction avait déjà commencé en janvier à proposer des offres de rétention aux employés, principalement des ingénieurs, dans le but de préparer au mieux la transition. Dans un message adressé aux équipes, Marc Whitten indiquait que de prochaines étapes seraient annoncées suite à la réunion du conseil d’administration de Cruise, réunion qui, selon une source interne, s’est tenue lundi dernier.

    La genèse d’un tournant: des tests intensifs à une tragédie

    L’évolution rapide de Cruise s’inscrit dans un contexte déjà marqué par des événements dramatiques. En octobre 2023, un robotaxi de Cruise fut impliqué dans un accident grave : un piéton, projeté sur la route par un véhicule conduit par un humain, fut heurté et traîné sur une distance d’environ 20 pieds lors d’une manœuvre d’arrêt d’urgence du robotaxi. Bien que cette tragédie ait rapidement suscité l’indignation, faute de communiquer l’incident aux autorités dès sa survenue, la situation s’est aggravée lorsque le Département des véhicules à moteur et la Commission des services publics de Californie ont suspendu les permis d’exploitation de l’entreprise. Les conséquences furent sévères : l’ensemble de la flotte de robotaxis fut immobilisée aux États-Unis et plusieurs dirigeants, dont le cofondateur et ancien PDG Kyle Vogt, démissionnèrent.

    Dans la foulée de ces événements, Cruise a entamé une période de restructuration interne, en embauchant un nouveau responsable dédié à la sécurité ainsi que d’autres figures expérimentées. La firme se préparait d’ailleurs à un redémarrage de ses activités avec le lancement prévu d’un système de capteurs perfectionné, désigné en interne comme « Project Rhino ». Ce système visait à améliorer la visibilité sous le véhicule pour éviter qu’un incident semblable à celui d’octobre 2023 se reproduise.

    Une injection de fonds majeure et des fêtes mouvementées

    Pour redonner un nouvel élan à Cruise, GM avait injecté en juin 2024 la somme colossale de 850 millions de dollars, portant ainsi l’investissement total dans la société à près de 10 milliards de dollars depuis 2016. Ces financements avaient permis à l’entreprise de tester ses technologies dans plusieurs villes américaines telles que Phoenix, Dallas, Houston et dans la région de la Baie de San Francisco.

    En septembre 2024, dans une ambiance qui contrastait fortement avec les récentes secousses, Mo Elshenawy, président et directeur technique, célébrait avec ses équipes une grande fête. Cet événement, salué par certains employés comme le début d’une ère nouvelle malgré les turbulences, était perçu comme un signe que l’entreprise semblait avoir surmonté ses difficultés pour repartir sur des bases plus solides. Toutefois, la décision récente de GM vient remettre en question toutes ces perspectives.

    Logo Cruise
    Le logo de l’entreprise Cruise, dont les opérations sont désormais intégrées à General Motors. Source : TechCrunch

    Les impacts sur le quotidien des employés

    Au cœur de cette tourmente, les salariés de Cruise se retrouvent dans une situation de grande incertitude. Selon des témoignages recueillis, bon nombre d’entre eux se disent « en état de limbes » depuis l’annonce de la décision stratégique de GM. Quelques sources évoquent même une baisse significative de l’activité, certains employés ayant littéralement « très peu travaillé » depuis plusieurs semaines.

    Les messages diffusés sur le canal Slack interne, utilisé habituellement pour les annonces importantes, témoignent de la tension ambiante. Un message notable de Craig Glidden demandait à tous les employés de s’attendre à des informations supplémentaires concernant les plans de transition dès le lendemain, tout en les invitant à travailler depuis chez eux pour la durée du changement.

    Merci pour votre patience en cette période difficile – nous savons que l’incertitude est éprouvante, mais vous avez fait preuve de professionnalisme et de résilience ces dernières semaines.

    Un focus sur la stratégie technologique de GM

    Derrière ces changements organisationnels se cache une vision stratégique forte de General Motors. L’entreprise souhaite désormais concentrer ses efforts sur le développement d’un système de conduite autonome personnel avec son fameux « Super Cruise ». Ce système, déjà bien connu des automobilistes américains, verra prochainement son périmètre étendu et perfectionné pour permettre une utilisation quasi autonome sur autoroute, voire en ville dans un futur proche.

    GM affirme que cette nouvelle orientation marque un retour à une technologie dont les infrastructures et les financements sont déjà en place, comparativement à l’ambitieux mais coûteux programme robotaxi de Cruise. En mettant l’accent sur une intégration plus étroite des salariés de Cruise et la consolidation des technologies, GM espère non seulement optimiser ses coûts, mais également accélérer la mise sur le marché de véhicules autonomes pour usage personnel.

    Cette décision stratégique, qui montre une préférence pour une technologie éprouvée dans un contexte entrepreneurial plus stable, s’inscrit dans une tendance plus large observée dans l’industrie automobile, où les investissements se concentrent désormais sur la technologie d’assistance à la conduite plutôt que sur des projets de robotaxi encore en phase expérimentale.

    Chronologie des événements majeurs

    Date Événement majeur
    Octobre 2023 Accident tragique : un robotaxi de Cruise heurte et traîne un piéton, entraînant la suspension des permis.
    Novembre 2023 Nomination de Craig Glidden à la tête des opérations administratives, après un incident de sécurité.
    Début 2024 Lancement des tests intensifs à Phoenix, Dallas, Houston et dans la région de la Baie de San Francisco.
    Juin 2024 Injection de 850 millions de dollars par GM dans Cruise, portant l’investissement total à près de 10 milliards.
    Septembre 2024 Fête d’entreprise organisée par Mo Elshenawy pour marquer une période de renouveau.
    Janvier 2025 Début des offres de rétention pour les ingénieurs en vue de préparer la réorganisation.
    Février 2025 Annonce des licenciements massifs et de la réorientation stratégique de Cruise sous l’égide de GM.

    Une restructuration technique et organisationnelle à multiples facettes

    Les défis auxquels fait face Cruise ne se limitent pas uniquement aux licenciements : ils touchent également la crédibilité de l’entreprise dans son ensemble. Suite à l’accident d’octobre 2023, Cruise avait amorcé une réorganisation de sa politique de sécurité et renforcé ses protocoles de test. Le projet interne « Project Rhino » représentait une tentative de corriger les lacunes en matière de détection et de réaction en situation critique, une amélioration cruciale qui aurait permis d’éviter ou de pallier le drame.

    Cependant, malgré les avancées techniques observées lors des phases de test en 2024, la déviation stratégique de GM — qui cache une volonté de recentrer les priorités sur des systèmes plus éprouvés — a scellé le sort des initiatives robotaxi de Cruise. La réorientation des investissements vers le Super Cruise et l’élimination progressive des programmes risqués témoignent d’une volonté de réduire les risques financiers et de renforcer la sécurité avant tout.

    Les enjeux de la transition pour l’industrie de la mobilité autonome

    La restructuration de Cruise reflète des enjeux plus larges pour l’ensemble de l’industrie de la mobilité autonome. La course à la commercialisation de technologies de conduite autonome se heurte à des défis techniques, réglementaires et de sécurité qui compliquent la transition entre prototypes et produits de masse. L’expérience de Cruise, marquée par des tentatives audacieuses et des revers parfois dramatiques, offre ainsi un exemple concret des difficultés rencontrées par toutes les entreprises dans ce domaine.

    Le déplacement des priorités vers le développement de technologies d’assistance fiables et éprouvées s’inscrit dans une tendance globale où la prudence l’emporte sur l’innovation trop rapide. Pour GM, et pour ses filiales comme Cruise, il s’agit avant tout de garantir la sécurité des usagers et de préserver la confiance du public, un élément indispensable pour la démocratisation des véhicules autonomes.

    La feuille de route pour les mois à venir

    Alors que Cruise se réorganise et que ses activités robotaxi s’arrêtent, plusieurs questions demeurent en suspens : quelles seront les modalités précises des suppressions de postes ? Comment se déroulera l’intégration des équipes dans les divisions de GM ? Et surtout, comment la transition sera-t-elle perçue par un marché en constante évolution ?

    Les réponses à ces questions dépendront en grande partie de la capacité de GM à s’appuyer sur l’expertise technologique de Cruise tout en recentrant ses efforts sur des domaines jugés plus rentables et moins risqués. Dans ce contexte, certains experts de la tech soulignent que l’intervention de GM pourrait, paradoxalement, permettre de redorer le blason de Cruise en bénéficiant de ressources financières et techniques bien supérieures à celles dont l’entreprise disposait de manière autonome.

    Les discussions internes au sein de Cruise, comme en témoigne l’utilisation de canaux de communication informels tels que Slack pour annoncer des changements de cap, montrent combien la transition est ressentie au quotidien par les équipes. Ce passage difficile traduit le prix de l’innovation dans un secteur où l’exigence de sécurité est particulièrement élevée.

    En résumé, la restructuration de Cruise, tout en marquant la fin d’un projet ambitieux de robotaxi, ouvre la voie à une intégration plus poussée dans les projets de GM, visant à démocratiser des technologies de conduite autonome d’un nouveau genre. Les mois à venir seront déterminants pour l’avenir non seulement de Cruise, mais également pour l’ensemble de l’écosystème de la mobilité autonome, dont le juste équilibre entre innovation et sécurité reste fragile.

    Enora Rodez
    Enora Rodezhttps://www.technofeed.fr
    Ingénieure de formation, je me passionne depuis longtemps pour le matériel informatique et les innovations automobiles qui redéfinissent notre rapport à la mobilité. J’ai travaillé au sein de laboratoires R&D et de constructeurs renommés, où j’ai pu approfondir ma connaissance des systèmes embarqués et des technologies hardware de pointe. Sur TechnoFeed, j’explore les nouveautés du monde du Hardware et de l’Automobile, décryptant les composants, les performances et les usages futurs qui transformeront notre façon de conduire et d’interagir avec nos véhicules. Mon objectif : vous donner les clés pour comprendre les tendances technologiques en matière d’équipements et de mobilité, et vous inspirer à embrasser un futur plus innovant.

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