On croirait un scénario de science-fiction, mais c’est bien réel. Elon Musk, figure emblématique de la tech et cofondateur d’OpenAI, tente de reprendre en main l’entreprise qu’il a quittée en 2018. Son offre, colossale, de 97,4 milliards de dollars pour racheter l’entité non lucrative qui contrôle OpenAI, sème le trouble et vient compliquer les ambitieux projets de l’actuel PDG, Sam Altman. Décidément, l’intelligence artificielle, et plus particulièrement OpenAI, est au cœur de toutes les convoitises. Décryptons ensemble ce bras de fer technico-juridique aux enjeux planétaires.
Retour sur une histoire mouvementée : de l’idéal non lucratif à la licorne
OpenAI, berceau du désormais célèbre modèle de langage GPT, est née en 2015 d’une vision commune entre Musk, Altman et d’autres pointures du secteur. Leur but : développer une intelligence artificielle générale (AGI) bénéfique pour l’humanité, loin des fantasmes dystopiques d’une IA toute puissante et incontrôlable. L’organisation se voulait alors à but non lucratif, un gage d’indépendance et d’éthique.
Seulement voilà, la recherche en IA coûte cher, très cher. En 2019, OpenAI opère un virage stratégique en créant une filiale à but lucratif, OpenAI Global, LLC, tout en conservant la structure non lucrative (OpenAI Inc.) comme entité de contrôle. Ce modèle hybride, pour le moins complexe, permet d’attirer des investissements massifs, notamment de Microsoft, propulsant la valorisation d’OpenAI à des sommets (157 milliards de dollars en octobre 2024). Entre temps, Musk, officiellement pour éviter des conflits d’intérêts avec Tesla et ses autres entreprises, a quitté le navire en 2018. Une sortie qui, à la lumière des événements actuels, interroge.
Musk contre OpenAI : une guerre sur plusieurs fronts
L’offre de rachat non sollicitée de Musk n’est pas un coup d’éclat isolé. Elle s’inscrit dans un contexte conflictuel plus large. En août 2024, Musk avait porté plainte contre OpenAI, accusant l’entreprise de trahir ses idéaux initiaux en privilégiant la recherche de profit à la sécurité et à l’accessibilité de l’AGI. Il remettait notamment en cause le partenariat exclusif avec Microsoft, jugé contraire à l’esprit « open » initial. OpenAI, de son côté, a rétorqué que Musk avait mal interprété la mission d’origine, qui n’impliquait pas forcément de rendre l’AGI open source.
La justice américaine a récemment autorisé le procès à aller devant un jury, contraignant Musk à témoigner en personne. Un développement qui met une pression supplémentaire sur la direction actuelle d’OpenAI, déjà occupée par des projets pharaoniques.
Stargate : un projet titanesque dans le viseur de Musk
Parmi ces projets, « Stargate » se démarque par son ambition démesurée : créer une infrastructure d’IA de pointe avec un budget colossal de 500 milliards de dollars, soutenu par le gouvernement américain. OpenAI, Oracle et SoftBank se seraient engagés à investir chacun 100 milliards de dollars dans ce projet. Or, Musk conteste ouvertement ces investissements, arguant qu’ils détournent des fonds qui pourraient être utilisés pour une recherche plus fondamentale et moins orientée vers des applications commerciales. L’offre de rachat de Musk pourrait donc être une manœuvre pour torpiller Stargate et reprendre le contrôle de la stratégie d’OpenAI.
Les conséquences potentielles : un séisme dans le monde de l’IA ?
L’issue de ce bras de fer aura des répercussions majeures sur l’avenir de l’IA. Si Musk réussit son coup, il consoliderait sa position dominante dans le secteur via sa nouvelle entreprise xAI, concurrente directe d’OpenAI. Cela pourrait fragiliser l’écosystème de recherche actuel et recentrer les efforts sur des axes plus conformes à la vision de Musk. À l’inverse, un échec de Musk laisserait OpenAI poursuivre sa trajectoire actuelle, mais avec une image potentiellement écornée et des questions persistantes sur sa gouvernance.
Un autre point crucial concerne le soutien des investisseurs. Microsoft, qui a déjà injecté 13 milliards de dollars dans OpenAI, et d’autres géants comme Nvidia et SoftBank, pourraient voir leurs intérêts menacés par un changement de direction. Leurs réactions dans les prochaines semaines seront déterminantes.
Deux visions de l’IA s’affrontent
Au-delà des aspects financiers et juridiques, c’est une véritable bataille philosophique qui se joue. D’un côté, Musk prône une approche plus prudente et centralisée du développement de l’AGI, insistant sur les risques potentiels et la nécessité d’un contrôle strict. De l’autre, OpenAI, sous la direction de Sam Altman, défend une vision plus ouverte et collaborative, misant sur l’innovation rapide et la diffusion large des technologies d’IA. Altman a d’ailleurs publiquement déclaré que « ce qui est bon pour le pays ne doit pas toujours primer sur les intérêts des entreprises », une pique à peine voilée envers Musk et ses accusations.
Tableau récapitulatif
Acteurs | Position | Enjeux |
---|---|---|
Elon Musk | Offre de rachat d’OpenAI Inc. pour 97,4 milliards de dollars | Reprendre le contrôle d’OpenAI et réorienter sa stratégie. Consolider son influence sur le secteur de l’IA. |
Sam Altman (OpenAI) | Défense de l’indépendance d’OpenAI. Poursuite des projets en cours, notamment Stargate. | Maintenir la trajectoire actuelle et concilier innovation et responsabilité sociale. |
Microsoft, Nvidia, Softbank | Investisseurs majeurs dans OpenAI | Protection de leurs investissements et influence sur le développement de l’IA. |
Gouvernement américain | Soutien au projet Stargate | Développement d’une infrastructure IA de pointe pour le pays. |
L’avenir d’OpenAI, et peut-être celui de l’IA dans son ensemble, est désormais suspendu à cette bataille d’influence. Les prochains mois s’annoncent décisifs et promettent de nouveaux rebondissements. Une chose est sûre : l’intelligence artificielle n’a pas fini de faire parler d’elle.