Le gouvernement britannique vient de frapper un grand coup contre les pratiques commerciales douteuses qui sévissent sur internet. Plus de 2,2 milliards de livres (environ 2,6 milliards d’euros) : c’est la somme astronomique que les consommateurs britanniques déboursent chaque année à cause des fameux « frais cachés » lors de leurs achats en ligne. Une pratique désormais interdite grâce à la nouvelle loi sur les marchés numériques.
La fin des mauvaises surprises à la caisse
On connaît tous cette frustration : vous trouvez le billet d’avion parfait à 50€, mais au moment de payer, surprise ! Des frais de dossier, de service ou d’autres taxes mystérieuses s’ajoutent et font grimper la facture parfois jusqu’à 25% du prix initial.
Cette technique, connue sous le nom de « drip pricing » (ou tarification au goutte-à-goutte), est particulièrement répandue dans certains secteurs :
- 45% des sites de divertissement pratiquent ces frais cachés
- 21% dans le secteur des voyages et de l’hôtellerie
- 3% dans le commerce de détail (hors frais de livraison)
Selon une étude du Département du Commerce britannique, les consommateurs doivent souvent naviguer à travers plus de 10 pages avant de pouvoir finaliser leur achat, se voyant proposer une multitude d’options et de frais supplémentaires en cours de route.
Désormais, tout ça, c’est terminé. La nouvelle loi impose aux entreprises d’afficher d’emblée le prix total, frais obligatoires inclus. Par exemple :
- Les frais d’installation uniques pour l’internet haut débit devront figurer dans le prix total
- Les frais administratifs ou de réservation sur les sites de billetterie devront être indiqués dès le départ
Attention toutefois : les frais optionnels (comme le choix du siège ou les bagages supplémentaires pour les vols) ne sont pas concernés par cette mesure.
La chasse aux faux avis est ouverte
Autre volet majeur de cette réforme : l’interdiction des faux avis. Ces commentaires élogieux mais fictifs qui vous poussent à acheter des produits parfois médiocres sont désormais dans le viseur des autorités.
Selon une recherche publiée par le Département du Commerce britannique en avril 2023, au moins 10% des avis publiés sur les plateformes d’e-commerce tierces seraient faux, la plupart visant à encourager les achats.
Les conséquences sont loin d’être anodines : qui n’a jamais connu la déception d’un restaurant noté 5 étoiles qui s’avère être une véritable catastrophe, ou d’un produit commandé qui ne ressemble en rien aux photos, malgré des commentaires dithyrambiques ?
Amazon, géant du e-commerce, a d’ailleurs déjà intenté plusieurs procès contre des courtiers facilitant ces faux avis, souvent en échange d’argent ou de produits gratuits. La plateforme affirme avoir empêché des millions de faux avis d’être publiés.
Ces avis ne sont pas un détail : 90% des consommateurs les consultent avant d’acheter, et ils ont influencé une partie des 217 milliards de livres dépensés sur les marchés de détail en ligne en 2023 au Royaume-Uni.
Un changement légal attendu
Cette réforme majeure entre en vigueur dans le cadre de la loi sur les marchés numériques, la concurrence et les consommateurs de 2024 (Digital Markets, Competition and Consumer Act 2024), votée sous le précédent gouvernement britannique.
Justin Madders, ministre de l’emploi, de la concurrence et des marchés, a déclaré :
« À partir d’aujourd’hui, les consommateurs peuvent faire leurs achats en toute confiance, sachant qu’ils sont protégés contre les faux avis et les prix cachés. Ces changements donneront aux consommateurs plus de pouvoir et de contrôle sur leur argent durement gagné, tout en contribuant à établir des règles du jeu équitables en dissuadant les acteurs malveillants qui concurrencent déloyalement les entreprises respectueuses des règles. »
Comment fonctionnera l’application de la loi ?
C’est l’Autorité de la concurrence et des marchés (Competition and Markets Authority) qui sera chargée de faire respecter ces nouvelles règles. Les entreprises seront désormais responsables des avis figurant sur leurs pages et légalement tenues de prendre des mesures pour empêcher et supprimer la publication de faux avis.
Cette législation vise également à protéger les entreprises qui jouent le jeu. Jusqu’à présent, celles qui affichaient honnêtement leurs prix complets risquaient d’être délaissées au profit de concurrents dont les prix semblaient plus bas en raison de frais cachés.
Impact pour les consommateurs français
Bien que cette législation ne s’applique qu’au Royaume-Uni, elle pourrait avoir des répercussions plus larges. L’Union européenne dispose déjà de réglementations similaires avec la directive sur les pratiques commerciales déloyales, mais son application varie selon les pays.
De nombreuses plateformes opérant à l’échelle internationale pourraient choisir d’harmoniser leurs pratiques plutôt que de maintenir des systèmes différents selon les pays. Par ailleurs, ce type d’initiative tend à faire tache d’huile : si le modèle britannique s’avère efficace, d’autres pays pourraient emboîter le pas avec des législations similaires.
Un exemple à suivre ?
Cette initiative britannique s’inscrit dans un mouvement plus large de régulation du commerce en ligne. Aux États-Unis, la Federal Trade Commission envisage également des mesures similaires contre les frais cachés, tandis que l’Australie a renforcé sa législation sur les avis en ligne.
En France, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) surveille de près ces pratiques, mais une législation aussi spécifique et complète fait encore défaut.
Avec le développement continu du commerce en ligne, qui représente une part croissante des dépenses des consommateurs, ces mesures de protection semblent de plus en plus nécessaires pour garantir la transparence et l’équité des échanges numériques.