L’ex-géant déchu des cryptomonnaies, FTX, s’apprête à franchir un cap crucial dans sa saga judiciaire. À partir du 30 mai 2025, la plateforme en faillite entamera un deuxième cycle de remboursements à ses créanciers, puisant dans une réserve de 11,4 milliards de dollars. Si cette nouvelle est accueillie comme un soulagement par certains, elle soulève également des interrogations et des inquiétudes quant à son impact sur le marché crypto et l’équité du processus.
Un calendrier de remboursement en deux temps
Le processus de remboursement est orchestré en deux phases distinctes. La première, lancée le 18 février 2025, ciblait les « petits » créanciers, ceux dont les réclamations étaient inférieures ou égales à 50 000 dollars. Ces derniers ont commencé à recevoir leurs fonds dans un délai de 1 à 3 jours ouvrés. Un traitement spécifique a également été mis en place pour les créanciers européens, via un partenariat avec Backpack Exchange, qui a racheté la branche européenne de FTX. Un délai de 60 jours est toutefois imposé aux clients européens avant le versement effectif.
Le second volet du remboursement, prévu pour le 30 mai 2025, concernera les créanciers ayant des réclamations supérieures à 50 000 dollars, classés en catégories 5 (droits des clients) et 6 (créanciers non sécurisés). Avant cette date, le 11 avril 2025 était l’échéance ultime pour choisir un agent de distribution (Kraken ou BitGo) et valider les réclamations via une procédure de vérification KYC et la fourniture de documents fiscaux.
Le casse-tête des prix de référence : remboursement en dollars, valorisation en Bitcoin
L’un des points les plus controversés de ce processus réside dans la méthode de calcul des remboursements. Si le montant versé aux créanciers est supérieur à leur créance initiale (estimé entre 118% et 138%, incluant des intérêts de 9% annuels depuis novembre 2022), ce calcul est basé sur la valeur des cryptomonnaies en novembre 2022. Or, le marché a connu une évolution significative depuis cette date. La capitalisation totale est passée de 800 milliards de dollars en novembre 2022 à environ 3 000 milliards de dollars actuellement.
Concrètement, un créancier ayant perdu 100 000 dollars en Bitcoin lorsque le cours était à 20 000 dollars en 2022 recevra 138 000 dollars. Cependant, si le Bitcoin atteint 60 000 dollars, la valeur réelle de sa perte serait aujourd’hui de 1,2 million de dollars. Cette « valorisation manquée » crée un sentiment d’injustice chez certains créanciers, qui estiment être lésés par ce système.
Défis logistiques et incertitudes sur le marché
Le remboursement massif de FTX représente un défi logistique colossal. La vérification KYC obligatoire pour tous les créanciers, le choix de l’agent de distribution (Kraken ou BitGo) et la gestion des litiges (jusqu’à 7 milliards de dollars sont réservés à cet effet) complexifient le processus. Le cas de l’Europe et le rôle de Backpack Exchange ajoutent une couche supplémentaire de complexité.
L’injection estimée de 16 milliards de dollars sur le marché crypto suscite également des inquiétudes. L’ »effet de liquidité », avec une vente massive d’actifs par les créanciers, pourrait exercer une forte pression à la baisse sur les cours. Les plateformes d’échange partenaires, Kraken et BitGo, pourraient également être confrontées à un afflux massif de transactions.
L’ombre d’Alameda Research et les leçons à tirer
L’effondrement de FTX, provoqué par l’utilisation frauduleuse des fonds clients au profit d’Alameda Research, reste une plaie ouverte pour l’écosystème crypto. Cet épisode a mis en lumière la nécessité d’une plus grande transparence des plateformes et de cadres réglementaires robustes. Comme l’a souligné John J. Ray III, l’administrateur judiciaire de la faillite, « le travail est loin d’être terminé ». La récupération des fonds est un processus continu et complexe, semé d’embûches juridiques et transfrontalières.
Le cas FTX servira, espérons-le, de catalyseur pour une régulation plus stricte et une meilleure protection des investisseurs. La prudence reste de mise, et de nombreux acteurs du marché restent marqués par cette crise. L’avenir du secteur crypto dépendra de sa capacité à tirer les leçons de cet événement et à instaurer une confiance durable.
“Beaucoup n’ont pas investi dans le crypto depuis la crise”, confie un créancier anonyme, témoignant de la perte de confiance qui persiste.
“FTX a ouvert la voie à une meilleure collaboration entre acteurs privés et autorités publiques”, déclare Sunil Kavuri, représentant des créanciers. “C’est une leçon coûteuse, mais essentielle pour l’avenir du secteur”.
L’histoire de FTX est loin d’être terminée. Le remboursement de mai 2025 est une étape importante, certes, mais il ne représente qu’un chapitre dans la longue et complexe reconstruction d’un secteur en quête de maturité et de stabilité.