C’est la nouvelle qui fait trembler le monde de la tech ce matin : Alphabet, la maison-mère de Google, vient d’annoncer l’acquisition du spécialiste de la cybersécurité Wiz pour la somme colossale de 32 milliards de dollars. Un montant qui pulvérise tous les records d’achats précédents du géant californien et qui témoigne de son ambition démesurée dans le secteur cloud.
Une acquisition stratégique après un premier échec
L’information a été officiellement confirmée par Google qui a précisé que Wiz rejoindra sa division Google Cloud. Cette annonce marque le second round de négociations entre les deux entreprises, après l’échec d’une première tentative l’année dernière qui valorisait Wiz « seulement » à 23 milliards de dollars.
Le rachat détrône largement celui de Motorola Mobility en 2012 (12,5 milliards) qui détenait jusqu’alors le record de la plus grosse acquisition d’Alphabet. Pour comprendre l’ampleur de la transaction, il faut rappeler que Wiz était valorisé à 12 milliards en mai 2024, avant de grimper à 16 milliards quelques mois plus tard lors d’une offre d’actions aux employés.
Si l’entreprise d’origine israélienne préparait son introduction en bourse depuis l’échec des premières négociations, Google a visiblement mis le paquet pour convaincre les fondateurs et investisseurs que rejoindre son empire valait mieux qu’une aventure solo sur les marchés financiers.
Qui est Wiz, cette pépite qui vaut 32 milliards ?
Wiz est l’une de ces success stories qui donnent le vertige. Fondée en 2020 par d’anciens responsables de la sécurité cloud de Microsoft (dont le CEO Assaf Rappaport), la startup s’est imposée en un temps record comme un acteur incontournable de la sécurité cloud.
Sa plateforme permet aux entreprises d’analyser et de sécuriser leur infrastructure cloud de façon centralisée, peu importe le fournisseur (AWS, Azure, GCP). Une approche particulièrement séduisante à l’heure où la majorité des entreprises jonglent entre plusieurs environnements cloud.
Parmi ses clients figurent des poids lourds comme Microsoft et Amazon – oui, les concurrents directs de Google dans le cloud, ce qui ajoute une couche de complexité à cette acquisition. En seulement quatre ans, Wiz est passée du statut de startup prometteuse à celui de licorne multi-milliardaire, démontrant une croissance fulgurante rarement observée dans le secteur.
Pourquoi Google mise gros sur la sécurité cloud
Cette acquisition s’inscrit dans une stratégie plus large de Google pour renforcer son offre de sécurité cloud, un domaine où son rival Microsoft a récemment essuyé plusieurs incidents embarrassants.
Thomas Kurian, CEO de Google Cloud, a clairement fait de la sécurité une priorité stratégique, comme en témoignent les acquisitions précédentes de Siemplify pour 500 millions de dollars et de Mandiant pour 5,4 milliards en 2022. Cette dernière est notamment connue pour avoir découvert la célèbre cyberattaque SolarWinds.
Avec l’ajout de Wiz, Google se dote d’un arsenal complet pour proposer une protection de bout en bout à ses clients cloud :
- Mandiant apporte l’expertise en réponse aux incidents et threat intelligence
- Siemplify fournit des outils d’orchestration et d’automatisation de la sécurité
- Wiz complète avec sa plateforme de détection des vulnérabilités cloud
Cette stratégie permet à Google de se positionner comme le champion de la sécurité face à Microsoft, dont la réputation en matière de cybersécurité s’est sérieusement détériorée ces dernières années suite à plusieurs brèches majeures.
Des obstacles réglementaires en vue
Si Google et Wiz fêtent déjà leurs fiançailles, le mariage n’est pas encore célébré. L’acquisition devra obtenir l’aval des régulateurs, et ce ne sera pas une mince affaire.
C’est d’ailleurs précisément la crainte d’un blocage réglementaire qui avait fait capoter la première tentative d’acquisition l’an dernier, comme l’avait rapporté le Financial Times. Les directeurs et investisseurs de Wiz craignaient alors que l’opération ne soit retoquée par les autorités antitrust.
Le contexte semble aujourd’hui plus favorable avec la nouvelle administration américaine et la nomination d’Andrew Ferguson à la tête de la Federal Trade Commission (FTC). Toutefois, ce dernier a déjà indiqué qu’il maintiendrait une position ferme envers les géants de la tech et poursuit actuellement une enquête antitrust contre Microsoft.
Google n’est pas non plus en position de force face aux régulateurs. L’entreprise est actuellement engagée dans deux batailles juridiques majeures avec le Département de la Justice américain concernant son moteur de recherche et ses activités publicitaires numériques. Le géant de Mountain View a déjà perdu le premier procès (tout en faisant appel), et attend encore le verdict du second.
Quelles implications pour l’écosystème cloud ?
Cette méga-acquisition pourrait rebattre les cartes dans la guerre du cloud qui oppose les trois géants américains. Selon les derniers chiffres, Google Cloud détient environ 11% du marché mondial, loin derrière AWS (32%) et Microsoft Azure (22%).
En se positionnant comme le champion de la sécurité, Google espère grignoter des parts de marché, notamment auprès des grandes entreprises et organisations gouvernementales pour qui la cybersécurité est devenue une préoccupation majeure.
Pour les clients actuels de Wiz, dont Microsoft et Amazon, la situation pourrait devenir inconfortable. Continueront-ils à utiliser une solution désormais détenue par leur concurrent direct ? Google devra fournir des garanties solides d’étanchéité entre ses différentes activités pour maintenir la confiance de ces clients stratégiques.
Ce que pensent les experts
Les analystes du secteur voient dans cette acquisition un coup de maître, bien que coûteux. « C’est un prix élevé, mais Google achète une technologie de pointe et une équipe d’élite qui lui permettra de renforcer significativement son offre de sécurité cloud, » commente Sarah Johnson, analyste chez Morgan Stanley.
D’autres observateurs s’interrogent sur la capacité de Google à intégrer efficacement une entreprise à la culture aussi différente. « Les acquisitions technologiques à ce niveau de prix échouent souvent en raison de chocs culturels ou de départs massifs des talents clés, » rappelle Marc Dupont, consultant spécialisé en fusions-acquisitions tech.
L’avenir nous dira si les 32 milliards investis par Google représentent un coup de génie stratégique ou une coûteuse erreur. Une chose est sûre : la bataille du cloud entre les géants de la tech vient de franchir un nouveau cap, et la sécurité en est désormais le nerf central.