Le conflit entre les deux licornes de la HR tech prend une tournure encore plus acrimonieuse. Deel vient de riposter en poursuivant à son tour Rippling pour diffamation, libelle et pratiques commerciales trompeuses. Cette contre-attaque judiciaire intervient après que Rippling ait accusé Deel d’avoir organisé une opération d’espionnage industriel le mois dernier.
Le clash des licornes de la HR tech s’intensifie
Ce vendredi, Deel a déposé une plainte devant la justice, marquant une nouvelle escalade dans ce qui devient une véritable guerre ouverte entre deux des startups les plus valorisées du secteur des logiciels RH.
Pour rappel, Rippling a levé pas moins de 1,4 milliard de dollars auprès de fonds prestigieux comme Founders Fund et Kleiner Perkins, et affiche une valorisation stratosphérique de 13,5 milliards de dollars. De son côté, Deel n’est pas en reste avec 685 millions de dollars levés auprès d’Andreessen Horowitz et Spark Capital, pour une valorisation de 12 milliards de dollars.
Chronologie d’un conflit qui s’envenime
Le mois dernier, Rippling accusait Deel, et plus particulièrement son CEO Alex Bouaziz, d’avoir recruté un ‘espion’ au sein de sa structure. Keith O’Brien, l’employé en question, avait reconnu les faits dans un affidavit rendu public par un tribunal irlandais.
Deel avait alors vigoureusement nié ces allégations, les qualifiant de manœuvre pour détourner l’attention d’accusations plus graves : Rippling aurait violé des sanctions internationales en effectuant des paiements vers la Russie.
La contre-offensive de Deel
Dans sa plainte déposée vendredi, Deel propose une version radicalement différente des événements concernant Keith O’Brien. Selon la licorne de la paie globale, Rippling aurait exercé des pressions et représailles sur O’Brien après que celui-ci ait signalé aux autorités irlandaises les violations présumées de sanctions contre la Russie.
Ces intimidations auraient été si intenses qu’elles auraient ‘traumatisé’ O’Brien au point de le pousser à mentir dans son affidavit concernant Deel. La plainte fait référence à des emails contemporains qui prouveraient cette version des faits, bien que leur contenu complet ne soit pas divulgué dans le document.
Mais Deel ne s’arrête pas là. Dans un retournement spectaculaire, l’entreprise accuse désormais Rippling d’avoir placé un informateur au sein de Deel et d’avoir sollicité d’autres employés pour qu’ils partagent des informations confidentielles.
Des accusations tous azimuts
La plainte de Deel va plus loin en affirmant que Rippling ne serait pas en conformité fiscale et frauderait systématiquement ses employés comme ses clients. L’entreprise consacre également plusieurs pages aux déboires passés de Parker Conrad, le CEO de Rippling, avec sa précédente entreprise Zenefits.
Pour ceux qui s’en souviennent, Conrad avait été contraint de démissionner de Zenefits en 2016 suite à des problèmes de conformité réglementaire, notamment concernant des licences d’assurance dans plusieurs États américains.
La réaction immédiate de Parker Conrad
Most notably: Deel doesn’t deny the espionage claims. It’s telling that nowhere in their complaint do they deny that Bouaziz recruited someone at Rippling to spy, or that O’Brien delivered confidential information to Bouaziz. Which would be a pretty obvious thing to deny if untrue.
— Parker Conrad (@parkerconrad) April 25, 2025
Un marché sous haute tension
Cette bataille juridique s’inscrit dans un contexte de concurrence féroce sur le marché des solutions RH pour entreprises internationales. Deel, spécialisée dans la gestion des employés à l’international, et Rippling, qui propose une suite complète de gestion RH, s’affrontent pour conquérir un marché en pleine expansion suite à l’explosion du travail à distance et des équipes distribuées mondialement.
Le modèle d’affaires des deux entreprises les place en concurrence directe sur plusieurs segments clés : la paie internationale, la gestion des contrats et la conformité réglementaire pour les équipes distribuées. Avec l’augmentation des effectifs à distance post-Covid, l’enjeu commercial est considérable.
Des conséquences potentiellement désastreuses
Pour deux entreprises valorisées à plus de 10 milliards de dollars chacune, l’issue de ce conflit pourrait avoir des répercussions majeures. Non seulement sur leur réputation dans l’écosystème tech, mais aussi auprès de leurs clients – principalement des entreprises en forte croissance et des multinationales gérant des équipes internationales.
Si les accusations d’espionnage industriel étaient confirmées d’un côté, ou si celles concernant la violation de sanctions internationales l’étaient de l’autre, cela pourrait ébranler sérieusement la confiance des clients et investisseurs.
L’affaire vue par les experts
Selon plusieurs analystes du secteur, ce type de confrontation directe entre licornes est relativement rare dans l’écosystème tech, où les rivalités s’expriment généralement de façon plus feutrée.
‘Ce qui est particulièrement inhabituel ici, c’est la nature personnelle des accusations’, explique un expert en droit des affaires technologiques. ‘Les plaintes mentionnent explicitement les CEO par leur nom et remettent en question leur intégrité personnelle, ce qui est un niveau d’escalade rarement vu entre entreprises de cette envergure.’
Alors que le secteur des technologies RH connaît une croissance fulgurante ces dernières années, cette bataille judiciaire pourrait redistribuer les cartes entre les acteurs du marché. Que ce soit Deel, Rippling, ou des concurrents comme Papaya Global et Remote, tous observent attentivement l’évolution de ce conflit qui révèle la férocité de la compétition dans ce domaine.
Les prochaines semaines seront déterminantes pour voir comment cette guerre juridique évoluera, et surtout quelles preuves chaque camp pourra apporter pour étayer ses accusations. Une chose est sûre : dans cette bataille d’égos et de milliards, la vérité risque d’être la première victime.