La plateforme de marchés de prédiction Kalshi a lancé une offensive juridique contre les régulateurs du jeu du Nevada et du New Jersey, contestant leurs ordres de cessation d’activité. L’entreprise affirme que ses contrats, portant sur des événements sportifs et politiques, sont réglementés au niveau fédéral par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) et ne relèvent donc pas des lois étatiques sur les jeux d’argent. Ce bras de fer juridique met en lumière un conflit de compétences entre les régulations fédérales et étatiques et pourrait redéfinir le paysage des paris en ligne aux États-Unis.
Le clash des régulateurs : Nevada et New Jersey serrent la vis
Le Nevada Gaming Control Board (NGCB) a été le premier à dégainer. Le 4 mars 2025, il ordonnait à KalshiEX LLC de cesser immédiatement ses activités de « contrats liés à des événements » sur le sport et les élections. Selon le NGCB, ces offres constituent des paris illégaux en vertu de la loi du Nevada car Kalshi n’a pas obtenu les licences nécessaires. Un délai initial jusqu’au 14 mars a été accordé, puis prolongé, pour se conformer à l’ordre.
Le New Jersey Department of Gaming Enforcement (NJDGE) a emboîté le pas au Nevada deux semaines plus tard. Des lettres ont été envoyées aux PDG de Kalshi, Tarek Mansour, et de Robinhood, Vlad Tenev, exigeant le retrait des marchés de paris, notamment ceux liés au tournoi de basketball universitaire March Madness. Le NJDGE a spécifiquement pointé du doigt la violation de la Sports Wagering Act du New Jersey, qui interdit les paris sur les événements universitaires se déroulant dans l’État, comme les matchs du March Madness à Newark.
Kalshi riposte : la CFTC comme bouclier juridique
Loin de se laisser intimider, Kalshi a déposé le 29 mars deux recours devant les tribunaux fédéraux du Nevada et du New Jersey. L’entreprise invoque la préemption fédérale, arguant que ses activités sont régies par la CFTC et non par les lois étatiques sur les jeux d’argent. Kalshi soutient que ses contrats sont des « contrats sur événements », une catégorie d’instruments financiers réglementés par la loi fédérale, et non des paris sportifs au sens traditionnel.
« Nous avons été ciblés avant, nous avons combattu, et nous avons gagné. Cette fois ne sera pas différente. Les actions menées par le Nevada et le New Jersey visent à saper non seulement nos contrats, mais l’autorité du Congrès via la CFTC », a déclaré Tarek Mansour, PDG de Kalshi.
L’entreprise insiste sur le fait que son système de paris entre particuliers (peer-to-peer) la distingue des paris sportifs traditionnels. Elle se présente comme une plateforme de marchés dérivés, opérant sous la supervision de la CFTC depuis 2021. Ce statut, selon Kalshi, la place hors de portée des régulateurs du jeu des États.
Un précédent juridique aux conséquences potentiellement explosives
Cette bataille juridique pourrait avoir des répercussions majeures sur l’industrie des paris en ligne. La question de la préemption fédérale est au cœur du débat : les tribunaux devront déterminer si la réglementation de la CFTC prime sur les lois étatiques en matière de jeux d’argent. La définition même de « pari » est également en jeu. Si Kalshi l’emporte, d’autres plateformes pourraient suivre son exemple, échappant ainsi aux réglementations étatiques plus strictes. Un tel scénario menacerait le modèle économique des opérateurs de jeux traditionnels, notamment les casinos et les sites de paris sportifs licenciés.
L’étau se resserre : d’autres États pourraient suivre
Le Nevada et le New Jersey ne sont pas les seuls à s’intéresser de près aux activités de Kalshi. Le Massachusetts a ouvert une enquête sur Robinhood pour son partenariat avec la plateforme lors du March Madness. Les régulateurs de l’État de Washington évaluent également la possibilité d’une action similaire. Le Michigan, connu pour sa législation stricte sur les jeux d’argent non réglementés, pourrait également intervenir. Par ailleurs, certaines tribus amérindiennes, dont les casinos sont régis par la Indian Gaming Regulatory Act, craignent une concurrence déloyale de la part de plateformes comme Kalshi.
Kalshi face à son passé : le précédent des paris politiques
Ce n’est pas la première fois que Kalshi se retrouve dans le viseur des régulateurs. La CFTC avait précédemment remis en question l’autorisation de la plateforme de proposer des contrats sur les élections présidentielles. Aujourd’hui, l’enjeu est encore plus important : il s’agit de savoir si les États peuvent interdire des modèles d’affaires innovants, pourtant réglementés au niveau fédéral. L’issue de cette bataille juridique pourrait avoir des conséquences considérables sur l’avenir des marchés de prédiction et, plus largement, sur l’équilibre des pouvoirs entre les États et le gouvernement fédéral en matière de régulation des jeux d’argent. Le bras de fer ne fait que commencer.