Face à la politique commerciale agressive de Donald Trump, Kickstarter vient de dévoiler un Tariff Manager — un outil qui permet aux créateurs de projets déjà financés de facturer des suppléments à leurs contributeurs pour couvrir les surcoûts liés aux nouvelles taxes douanières américaines.
Une solution d’urgence pour les entrepreneurs pris au piège
L’initiative de Kickstarter illustre parfaitement l’impact désastreux des tarifs douaniers imposés par l’administration Trump sur les petites entreprises américaines. Cette mesure d’urgence permet aux créateurs de projets déjà financés de demander une contribution supplémentaire à leurs soutiens pour absorber les coûts imprévus générés par cette guerre commerciale internationale.
Nous avons travaillé d’arrache-pied ces dernières semaines pour développer des ressources adaptées aux problèmes de tarifs douaniers afin de soutenir notre communauté
explique Kickstarter dans un billet de blog publié la semaine dernière. La plateforme a déjà mis à disposition plusieurs guides pour aider les créateurs à naviguer dans les politiques changeantes, des conseils sur la logistique d’expédition, et même des informations pour aider les contributeurs à mieux comprendre les défis auxquels font face les créateurs.
Mais la plateforme reconnaît que l’information seule n’est pas toujours suffisante. D’où la création de cet outil spécifiquement conçu pour faire face aux défis financiers posés par les tarifs douaniers américains à l’importation.
Comment fonctionne ce "Tariff Manager" ?
Concrètement, l’outil permettra aux créateurs d’appliquer des suppléments par article, qui apparaîtront comme une ligne distincte sur la page de paiement des personnes ayant soutenu leur projet. Les contributeurs pourront alors choisir de payer ce supplément pour recevoir l’article qu’ils ont déjà financé, ou de contacter directement le créateur pour trouver une autre solution.
Nous comprenons que demander aux contributeurs de payer des frais supplémentaires — surtout après la fin d’une campagne — peut être délicat
reconnaît Kickstarter. Si un contributeur refuse de payer ces frais supplémentaires, il devra contacter directement le créateur pour envisager une solution alternative : remboursement ou autre arrangement.
Un problème particulièrement critique pour l’écosystème Kickstarter
Le modèle économique de Kickstarter rend la situation particulièrement problématique. Contrairement aux entreprises traditionnelles, les projets Kickstarter reçoivent l’argent des contributeurs des mois, voire des années avant de livrer leurs produits. Les créateurs planifient leurs coûts de production bien avant la fabrication effective, ce qui les rend extrêmement vulnérables aux changements soudains de politique commerciale.
De nombreux projets américains sur Kickstarter dépendent de la fabrication à moindre coût en Chine, au Vietnam et dans d’autres pays désormais soumis à des tarifs exorbitants. La plateforme a déjà connu son lot de projets qui n’ont jamais livré leurs produits malgré un financement réussi, ou qui ont dû demander plus d’argent avant l’expédition. Mais l’impact des tarifs douaniers de Trump atteint une toute autre échelle.
L’industrie du jeu de société particulièrement touchée
L’industrie du jeu de société, qui utilise massivement Kickstarter pour lancer de nouveaux produits, est particulièrement affectée. Ces dernières années, le modèle économique de nombreux éditeurs de jeux s’est construit autour du financement participatif et de la production en Asie.
Un exemple frappant : Stonemaier Games, une entreprise qui a financé plusieurs de ses jeux de société sur Kickstarter, a récemment annoncé avoir déposé une plainte contestant la constitutionnalité des tarifs imposés par Trump.
Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que nos moyens de subsistance — et ceux de milliers de petites entreprises et d’entrepreneurs aux États-Unis — sont traités comme des pions dans un jeu politique. Pour Stonemaier Games, cela représente des paiements tarifaires à venir de près de 1,5 million de dollars.
Cette situation est d’autant plus dramatique que les jeux de société modernes nécessitent généralement de nombreux composants (cartes, plateaux, figurines) dont la production est largement délocalisée en Asie pour des raisons de coût et d’expertise.
Des conséquences en cascade pour l’écosystème créatif
- Pour les créateurs : ils doivent choisir entre absorber les coûts supplémentaires (souvent impossibles à supporter pour de petites structures), demander plus d’argent à leurs contributeurs (au risque de les mécontenter), ou abandonner leurs projets.
- Pour les contributeurs : ils se retrouvent face à un dilemme – payer plus que prévu initialement ou renoncer à recevoir un produit qu’ils ont soutenu parfois depuis des années.
- Pour Kickstarter : la plateforme risque de voir sa réputation entachée par des projets qui échouent ou des créateurs contraints de demander plus d’argent, même si ces situations sont dues à des facteurs externes.
L’introduction du "Tariff Manager" représente donc une tentative de Kickstarter pour maintenir à flot son écosystème face à ces tensions commerciales internationales. Mais cette solution technique ne peut que partiellement compenser l’impact considérable des tarifs douaniers sur les entrepreneurs américains qui dépendent d’une chaîne d’approvisionnement mondiale.
Alors que de nombreuses petites entreprises américaines se retrouvent prises entre le marteau des politiques commerciales de Trump et l’enclume de leurs engagements envers leurs clients, l’outil de Kickstarter illustre de façon particulièrement concrète comment la guerre commerciale affecte directement l’innovation et l’entrepreneuriat aux États-Unis.