La censure numérique s’abat sur l’information relative à l’avortement : Meta accusé de museler les voix pro-choix
En 2025, la bataille pour les droits reproductifs se poursuit, et le champ de bataille s’étend désormais au monde numérique. Instagram et Facebook, les deux géants des réseaux sociaux appartenant à Meta, sont de nouveau sous le feu des critiques pour avoir supprimé des publications et suspendu des comptes de fournisseurs de pilules abortives aux États-Unis. Cette nouvelle vague de censure ravive les inquiétudes quant à la liberté d’information et à l’accès aux soins de santé reproductive, particulièrement fragilisés depuis l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022.
Le New York Times a révélé que deux fournisseurs américains, dont l’identité n’a pas été divulguée, ont vu leurs contenus disparaître sans préavis ni explication claire. Instagram a justifié ces suppressions en invoquant ses règles concernant la « vente de biens illégaux ou réglementés ». Une justification paradoxale, puisque les publications incriminées ne mentionnaient aucune transaction commerciale.
Ce n’est malheureusement pas une première. Depuis 2022, les plateformes de Meta sont régulièrement accusées de censurer des contenus liés à l’avortement, que ce soit des informations sur l’IVG médicamenteuse, des témoignages de patientes ou des messages de soutien aux droits reproductifs. Des hashtags comme #mifepristone ou #avortementmédicamenteux sont régulièrement masqués, rendant l’information difficile d’accès pour les personnes qui en ont besoin. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’accès à l’avortement est de plus en plus restreint dans de nombreux États américains. On estime que plus de 20 États ont mis en place des lois limitant l’accès à l’IVG depuis 2022, certains allant même jusqu’à proposer des projets de loi visant à contrôler l’information en ligne sur le sujet. Dans ce contexte, les réseaux sociaux, censés être des espaces d’échange et d’information, deviennent des instruments de censure qui renforcent les inégalités d’accès aux soins.
Face au tollé, Meta a réagi en rétablissant certains comptes suspendus, admettant implicitement une erreur. Une réaction jugée insuffisante par les associations de défense des droits des femmes. Pour Jane Eklund, chercheuse en technologie et droits reproductifs à Amnesty International États-Unis :
« Ces actions sont inacceptables et constituent une violation des droits humains. Les entreprises technologiques doivent faire mieux pour s’assurer que leurs utilisateurs et utilisatrices puissent obtenir des informations exactes et impartiales sur l’avortement. »
L’argument avancé par Meta concernant la vente de biens réglementés ne convainc pas. Des organisations comme Reproaction ont documenté de nombreux cas de censure qui ne concernaient pas la vente de médicaments, mais simplement des informations sur l’avortement ou des messages de soutien. Certaines suspectent Meta de céder à la pression des groupes anti-avortement, qui mènent des campagnes actives de signalement de contenus pro-choix. Cette pression, conjuguée à l’opacité des algorithmes de modération, crée un environnement numérique hostile aux droits reproductifs.
L’affaire met en lumière la question cruciale de la modération des contenus sur les réseaux sociaux et le pouvoir exorbitant que détiennent les géants du numérique. En l’absence d’une régulation plus stricte, le risque de voir ces plateformes devenir des censeurs arbitraires de l’information est bien réel. Les associations de défense des droits reproductifs appellent à une plus grande transparence de la part de Meta et à la mise en place de mécanismes de recours efficaces pour les utilisateurs victimes de censure injustifiée. La lutte pour le droit à l’information est désormais indissociable du combat pour le droit à l’avortement. En 2025, le front numérique est plus que jamais un enjeu crucial pour les droits des femmes.
La situation reste volatile et les défenseurs des droits des femmes appellent à la vigilance. Le combat pour l’accès à l’information sur la santé reproductive se joue aussi sur les réseaux sociaux, et chaque voix compte.