Scott Bessent, fraîchement nommé directeur intérim du Bureau de la protection financière des consommateurs (CFPB) par l’administration Trump, a ordonné un gel immédiat de toutes les activités de l’agence. Cette décision radicale, qui suspend enquêtes, réglementations et communications, a provoqué une onde de choc dans le paysage financier américain et ravivé les critiques sur l’influence des lobbies pro-business sur le deuxième mandat de Trump. L’intervention incendiaire d’Elon Musk, appelant à la suppression pure et simple de la CFPB, jette de l’huile sur le feu et soulève des inquiétudes quant à l’avenir de la protection des consommateurs.
Le coup de massue de Bessent : « Stop à tout »
Dès son arrivée à la tête du CFPB le 31 janvier, Scott Bessent n’a pas perdu de temps. Une note interne, lapidaire et sans équivoque, a été adressée aux 1600 employés de l’agence. Le message est clair : arrêt immédiat de toute activité substantielle.
- Gel des réglementations en cours d’élaboration : Parmi les mesures bloquées figurent notamment l’encadrement des frais de découvert, plafonnés à 5 dollars, et la limitation des frais de retard de paiement à 8 dollars. Des dispositions qui auraient permis aux consommateurs américains d’économiser des milliards de dollars chaque année.
- Suspension des actions en justice et des enquêtes : Toutes les procédures, à l’exception des demandes de suspension déjà déposées, sont interrompues. Un coup d’arrêt brutal pour les investigations en cours, laissant planer le doute sur leur avenir.
- Interdiction des communications publiques : Publications, rapports, communiqués de presse… Toute forme de communication externe est suspendue, contribuant à une opacité grandissante autour des actions du CFPB. Même la signature de contrats est interdite.
Seules les réponses aux plaintes des consommateurs et les actions d’éducation financière sont épargnées par ce gel radical. Des sources internes, s’exprimant sous couvert d’anonymat, décrivent une situation de « paralysie totale » au sein de l’agence.
Une décision saluée par les banques, fustigée par les défenseurs des consommateurs
Comme on pouvait s’y attendre, la décision de Bessent a été accueillie avec enthousiasme par le secteur bancaire. Rob Nichols, président de l’American Bankers Association, y voit une « opportunité de corriger les excès » de l’ancien directeur Rohit Chopra, accusé d’avoir « endommagé l’économie ».
En revanche, les associations de défense des consommateurs tirent la sonnette d’alarme. Tony Carrk, de l’organisation Accountable.US, dénonce une « prise d’otage de l’agence par les lobbies financiers » et craint un « déferlement d’abus » sous la direction de Bessent. La sénatrice Elizabeth Warren, à l’origine de la création du CFPB en 2010, s’est montrée particulièrement virulente, accusant Bessent de « livrer un système sensible aux mains d’employés non élus de Musk », en référence à l’accès récemment accordé à des équipes de ce dernier aux systèmes de paiement du Trésor. Une décision qui, selon elle, met en péril la sécurité des données financières des Américains.
Un précédent inquiétant : le mandat de Mick Mulvaney
Ce n’est pas la première fois que le CFPB est la cible de l’administration Trump. En 2017, Mick Mulvaney, alors directeur de l’agence, avait déjà sensiblement réduit ses prérogatives, notamment en matière de prêts équitables. Ce retour à une stratégie d’affaiblissement du CFPB inquiète les observateurs, qui rappellent que 90% des litiges engagés par l’agence depuis 2021 concernent des banques ou des sociétés de paiement.
Musk attise les flammes : « Delete CFPB »
L’appel à la suppression du CFPB lancé par Elon Musk sur X, « Delete CFPB », vient ajouter une dimension supplémentaire à cette polémique. Selon Evan Weinberger, spécialiste du droit financier chez Bloomberg Law, ce tweet illustre l’hostilité croissante des géants de la tech et des milieux financiers envers une agence perçue comme trop intrusive. Le paradoxe est frappant : alors que Musk appelle à la disparition du CFPB, ses équipes ont récemment obtenu un accès privilégié aux systèmes de paiement du Trésor, grâce à l’intervention de Bessent lui-même. Une situation potentiellement explosive pour la confidentialité des données financières.
Quelles conséquences pour les consommateurs ?
Le gel des activités du CFPB a des implications concrètes pour les consommateurs américains. Des dossiers clés, comme les enquêtes sur les pratiques d’influence des banques en ligne ou les litiges concernant les préavis de clôture de comptes, se retrouvent en suspens. L’avenir de la protection des consommateurs est désormais en jeu. La CFPB restera-t-elle un rempart contre les abus du secteur financier ou deviendra-t-elle un simple instrument au service des intérêts corporatifs ? Les prochains mois seront décisifs.
L’influence des lobbies : un sujet brûlant
La nomination de Scott Bessent, un ancien gestionnaire de fonds spéculatifs, à la tête du CFPB, a immédiatement suscité des interrogations sur l’influence des lobbies financiers sur l’administration Trump. Son passé professionnel et ses liens avec Wall Street alimentent les craintes d’un démantèlement progressif de l’agence et d’un retour à une ère de laxisme réglementaire.
Le rôle crucial du CFPB dans le paysage financier américain
Créé en 2010 à la suite de la crise financière, le CFPB a pour mission de protéger les consommateurs américains contre les pratiques abusives des institutions financières. Ses actions en matière de régulation des prêts hypothécaires, de lutte contre les fraudes et d’éducation financière ont permis d’éviter des milliards de dollars de pertes aux consommateurs. L’affaiblissement de l’agence pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les ménages américains, notamment les plus vulnérables.
Les défis à venir pour le CFPB
Même si le gel des activités est levé, le CFPB devra faire face à de nombreux défis dans les mois à venir. La pression des lobbies financiers, l’hostilité d’une partie de la classe politique et les restrictions budgétaires potentielles risquent de compliquer sa mission. La capacité de l’agence à préserver son indépendance et à défendre efficacement les droits des consommateurs sera un enjeu crucial pour l’avenir du système financier américain.