La déferlante des mini-séries chinoises : un tsunami de 7 milliards de dollars qui submerge le box-office
L’année 2024 a marqué un tournant décisif dans le paysage audiovisuel chinois. Oubliez les salles obscures, le nouveau roi du divertissement s’appelle mini-séries. Avec une croissance explosive de 35%, ce marché pèse désormais la bagatelle de 50,4 milliards de yuans, soit près de 7 milliards de dollars. Un raz-de-marée qui a non seulement dépassé les recettes du box-office, mais qui force aussi les géants du streaming comme iQiyi et Tencent à revoir intégralement leur stratégie.
L’empire du format court : une conquête éclair des écrans
Imaginez : des épisodes de 5 à 20 minutes, consommables partout, tout le temps. Un format idéal pour les mobinautes, avides de contenus courts et percutants. Résultat ? 576 millions de spectateurs, soit plus de la moitié des internautes chinois, sont accros à ces mini-fictions. Accessibles, mobiles, addictives
, résume parfaitement Alicia García-Herrero, économiste chez Natixis. Une analyse qui explique en grande partie ce succès fulgurant. Le public chinois, ultra-connecté, plébiscite ces formats digestes, parfaitement adaptés à un mode de consommation fragmenté.
Face à cette déferlante, les acteurs traditionnels du streaming n’ont d’autre choix que de s’adapter. iQiyi, le Netflix chinois, mise désormais sur des mini-séries ultra-courtes, de 1 à 5 minutes, optimisées pour les écrans verticaux. Une stratégie complémentaire à son offre de contenus long-forme, pour les scénarios plus complexes. De son côté, Tencent, le mastodonte aux multiples casquettes, voit ses revenus publicitaires bondir de 17% en 2024, en partie grâce à l’engouement publicitaire pour ces formats courts. Même ByteDance, le propriétaire de TikTok, s’est engouffré dans la brèche avec Hongguo, une application dédiée qui revendique déjà 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels. La bataille du streaming s’intensifie, et le format court est devenu l’arme de prédilection.
Publicité et e-commerce : les nouveaux modèles économiques des mini-séries
La gratuité est le maître-mot. La majorité des plateformes proposent ces mini-séries sans abonnement, misant sur la publicité intégrée pour générer des revenus. Une stratégie adoptée par les géants du e-commerce comme Pinduoduo et Taobao, qui utilisent ces contenus pour fidéliser leurs clients et les inciter à l’achat. L’exemple de la marque de cosmétiques Kans est emblématique : son mini-drama, diffusé sur TikTok, a généré 472 millions de dollars de ventes en 2023. Une preuve éclatante du potentiel commercial de ce format.
Pourtant, derrière ce succès flamboyant se cachent des réalités économiques plus complexes. Malgré des coûts de production relativement faibles (environ 400 000 yuans par saison, contre des dizaines de millions pour les séries traditionnelles), 90% des projets mini-séries sont déficitaires. La concurrence acharnée pousse les producteurs à miser sur des contenus sensationnalistes, parfois vulgaires
ou pornographiques
, provoquant des interventions musclées des autorités de régulation.
Des studios aux plateformes internationales : l’écosystème des mini-séries en pleine expansion
L’explosion de la demande a transformé le paysage audiovisuel chinois. Des sites industriels abandonnés, anciennes usines ou mines, se métamorphosent en plateaux de tournage. À Hengdian World Studios, le Hollywood chinois, plus de 1 000 équipes ont filmé des mini-séries en 2024, triplant le chiffre d’affaires de certains parcs culturels. La technologie joue également un rôle crucial. Des plateformes comme DreameShort exportent ces contenus à l’international, avec plus de 6 millions de téléchargements aux États-Unis, au Japon et en Corée du Sud. L’innovation est permanente : réalité virtuelle pour réduire les coûts de production, intégration des données d’audience pour optimiser les scénarios, collaborations transfrontalières…
Qualité versus quantité : l’enjeu crucial pour l’avenir du format court
Le gouvernement chinois, conscient du potentiel mais aussi des dérives du secteur, prévoit de doubler les investissements publics dans les mini-séries de qualité. L’objectif est clair : élever les standards et encourager la création de contenus plus exigeants. Mais avec plus de 300 000 sociétés actives dans le secteur, la saturation du marché est une menace réelle. Pour survivre, les producteurs devront redoubler d’ingéniosité, explorer de nouveaux formats interactifs, et s’adapter aux exigences d’un public de plus en plus volatile. L’avenir des mini-séries chinoises s’annonce passionnant, mais incertain. La bataille pour la qualité et l’innovation ne fait que commencer.