La Securities and Exchange Commission (SEC) américaine, longtemps considérée comme le cauchemar de l’écosystème crypto, opère un revirement spectaculaire en ce début d’année. En l’espace d’un mois, le gendarme financier a tout simplement abandonné ou mis en pause au moins huit procédures judiciaires visant des acteurs majeurs du secteur des cryptomonnaies. Un changement de cap qui fait l’effet d’une bombe dans l’industrie.
Un grand ménage de printemps qui secoue l’industrie
Exit les poursuites acharnées contre les géants du secteur. La SEC a notamment mis fin aux procédures très médiatisées visant Coinbase Global Inc et Binance Holdings Ltd. – deux affaires emblématiques initiées quasi-simultanément en juin 2023. Cette « démolition » du programme d’application semble également bénéficier à d’autres entreprises de premier plan comme Robinhood Markets Inc., Uniswap Labs et OpenSea, qui avaient été menacées de poursuites judiciaires.
« C’est une restructuration complète de l’approche réglementaire américaine. Nous assistons à un virage à 180 degrés, probablement motivé par une combinaison de facteurs politiques et économiques. La SEC avait fait des cryptos son cheval de bataille, et voilà qu’elle désarme massivement. »
– Jean-Marc Dufour, expert en régulation des cryptoactifs chez Blockchain Partners
L’action de Coinbase a bondi de plus de 15% suite à cette annonce, illustrant l’impact financier immédiat de ce changement d’orientation pour les entreprises concernées.
« Quand la réglementation devient rationnelle, l’innovation prospère. »
– Brian Armstrong, CEO de Coinbase
Un tournant réglementaire aux motivations multiples
Cette nouvelle orientation s’inscrit dans un contexte politique particulier, notamment marqué par l’arrivée d’une administration favorable aux cryptomonnaies. Selon plusieurs sources proches du dossier, de nombreuses procédures abandonnées concernaient des soutiens financiers de la campagne présidentielle, ce qui n’a pas manqué de susciter des questions sur les motivations de ces décisions.
Les raisons officielles évoquées par la SEC pour justifier ces abandons tournent autour d’une « réallocation des ressources » et d’une « redéfinition des priorités ». Dans un communiqué laconique, l’agence a indiqué vouloir se concentrer sur les infractions les plus graves et présentant les risques les plus élevés pour les investisseurs, sans préciser ce que cela implique concrètement pour le secteur crypto.
« Gary Gensler avait fait de la régulation par la sanction sa marque de fabrique. Avec son départ, c’est toute une doctrine qui s’effondre, laissant place à une approche apparemment plus pragmatique, mais dont les contours restent flous. »
– Sophie Meunier, juriste spécialisée en droit des cryptoactifs
Des réactions contrastées au sein de l’écosystème
Si le secteur crypto célèbre majoritairement ce qu’il considère comme une victoire, les réactions demeurent nuancées. Certains acteurs y voient l’opportunité d’un nouveau départ pour la relation entre régulateurs et industrie.
« Nous espérons que ce changement de cap marque le début d’une ère de collaboration plutôt que de confrontation. »
– Changpeng Zhao, fondateur de Binance
D’autres voix sont plus critiques, notamment du côté des défenseurs des consommateurs.
« Ces abandons massifs de poursuites envoient un signal inquiétant quant à la protection des investisseurs particuliers. Sans cadre clair, nous risquons de revivre les excès qui ont conduit aux effondrements de 2022. »
– Association Consumer Crypto Watch
Les experts du secteur soulignent également l’incertitude juridique qui perdure.
« L’abandon des poursuites ne signifie pas l’émergence d’un cadre réglementaire clair. Les entreprises opèrent toujours dans un flou juridique, même si la menace immédiate s’éloigne. »
– Antoine Verdon, avocat spécialisé en droit des technologies
Les implications pour le marché français et européen
Pour les acteurs européens, et particulièrement français, ce revirement américain pourrait avoir des conséquences significatives. Alors que l’Europe a adopté le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), établissant un cadre réglementaire clair mais exigeant, le relâchement américain pourrait créer un déséquilibre concurrentiel.
« Si les États-Unis deviennent subitement un havre réglementaire pour les cryptos, nous risquons d’assister à une migration des talents et des projets. L’Europe a fait le choix d’une régulation structurée avec MiCA, les États-Unis semblent opter pour une approche plus libérale. »
– Pierre Noizat, fondateur de Paymium
Un avenir incertain mais prometteur
Si ce revirement soudain de la SEC offre un répit bienvenu pour l’industrie, de nombreuses questions demeurent. Quelle sera la nouvelle doctrine de l’agence concernant les cryptoactifs ? Les abandons de poursuites actuels préfigurent-ils une approche réglementaire plus constructive ou simplement une pause temporaire ?
Les analystes s’accordent à dire que ce changement d’orientation pourrait accélérer l’adoption institutionnelle des cryptoactifs aux États-Unis. Les banques et gestionnaires d’actifs, longtemps freinés par l’incertitude réglementaire, pourraient désormais s’engager plus activement dans le secteur, notamment autour des ETF Bitcoin et Ethereum déjà approuvés.
« Nous assistons peut-être à la naissance d’un nouveau paradigme réglementaire pour les cryptoactifs aux États-Unis. Reste à voir si cette approche plus souple parviendra à trouver l’équilibre entre innovation et protection des investisseurs. »
– Jean-Marc Dufour