L’étau se resserre autour de DeepSeek. La startup chinoise d’intelligence artificielle, dont l’ascension fulgurante a suscité l’admiration autant que l’inquiétude, se retrouve au cœur d’une tempête géopolitique. La Maison Blanche envisage sérieusement de bannir son application des stores américains, invoquant des risques pour la sécurité nationale. Ce potentiel coup de tonnerre intervient après une série de mesures restrictives déjà prises par plusieurs agences gouvernementales et illustre la méfiance grandissante envers les technologies chinoises.
DeepSeek-R1 : prodige technologique ou cheval de Troie ?
Fondée en juillet 2023 et financée par le fonds d’investissement chinois High-Flyer, DeepSeek a rapidement fait parler d’elle grâce à son modèle d’IA DeepSeek-R1. Présenté comme un concurrent sérieux aux solutions américaines, il a déjoué les pronostics en atteignant le sommet des téléchargements aux États-Unis dès janvier 2025. Sa performance, obtenue malgré l’utilisation de processeurs moins puissants et des coûts réduits, a intrigué les experts. Comment une jeune pousse chinoise pouvait-elle rivaliser avec les géants américains de l’IA ? L’accès rapide de DeepSeek aux données américaines, point crucial de son efficacité, a alimenté les soupçons. Certains observateurs craignent que l’application ne soit qu’une façade pour collecter des informations sensibles et les transmettre au gouvernement chinois.
La montée des inquiétudes et les premières réactions
Dès janvier 2024, le Pentagone a tiré la sonnette d’alarme. Alerté par l’utilisation de l’application par certains employés, le ministère de la Défense a bloqué l’accès à DeepSeek sur ses réseaux. La Marine américaine a emboîté le pas, interdisant formellement à ses membres de télécharger ou d’utiliser le modèle, évoquant des « préoccupations sécuritaires et éthiques » liées à son origine chinoise. La NASA a suivi le mouvement, proscrivant DeepSeek sur ses appareils et réseaux.
Au Congrès, l’affaire DeepSeek a suscité une rare unanimité. En février 2025, une initiative bipartisane a abouti à l’introduction du No DeepSeek on Government Devices Act (HR 1121). Ce projet de loi vise à interdire l’utilisation de l’application sur tous les appareils gouvernementaux fédéraux. Les parlementaires, qualifiant le gouvernement chinois de « menace à cinq alarmes », craignent que DeepSeek ne soit utilisé pour voler des données sensibles.
Vers un bannissement total des stores américains ?
La Maison Blanche semble désormais prête à passer à la vitesse supérieure. L’interdiction envisagée de DeepSeek sur les stores américains marquerait un tournant dans la politique américaine face à l’essor de l’IA chinoise. Cette mesure, si elle est confirmée, s’ajouterait aux restrictions existantes et pourrait avoir un impact significatif sur la présence de DeepSeek sur le territoire américain.
Parallèlement, de nouvelles propositions législatives émergent pour renforcer les contrôles sur les technologies chinoises. Le sénateur Josh Hawley a présenté le Decoupling America’s Artificial Intelligence Capabilities from China Act (S. 321), visant à limiter les échanges technologiques avec la Chine et à interdire les investissements américains dans les entreprises chinoises d’IA. Plusieurs États, dont le Texas, la Géorgie et le Kansas, ont déjà pris les devants en interdisant l’utilisation de DeepSeek sur les appareils gouvernementaux locaux.
Une escalade dans la guerre technologique sino-américaine
L’affaire DeepSeek s’inscrit dans un contexte de rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine pour la domination technologique. L’IA, enjeu stratégique majeur, est au cœur de cette confrontation. Les Américains craignent que Pékin n’exploite les données collectées par DeepSeek à des fins d’espionnage ou de cyberattaques. L’ancien président Trump avait qualifié le lancement de DeepSeek-R1 d’« appel à la vigilance » pour l’industrie américaine, soulignant la nécessité de protéger les investissements nationaux.
Quelles conséquences pour l’écosystème technologique mondial ?
La Chine n’a pas encore réagi officiellement à ces annonces, mais la tension croissante pourrait avoir des répercussions importantes sur les relations technologiques entre les deux pays. Des experts s’inquiètent d’une fragmentation de l’industrie technologique mondiale, déjà fragilisée par les restrictions sur les exportations de puces et les supercalculateurs. Les entreprises américaines suivent de près l’évolution de la situation, conscientes que les décisions de la Maison Blanche pourraient impacter leurs collaborations avec des acteurs chinois et leur accès aux marchés étrangers.
L’enjeu du contrôle des données
Au-delà des aspects économiques et géopolitiques, l’affaire DeepSeek soulève des questions fondamentales sur la sécurité des données et la souveraineté numérique. Dans un monde de plus en plus connecté, le contrôle des flux d’informations devient un enjeu crucial. Les mesures prises par Washington témoignent d’une volonté de protéger les données américaines et de maintenir son leadership technologique, quitte à recourir à des mesures protectionnistes. Reste à savoir si cette stratégie permettra d’atteindre ses objectifs sans compromettre l’innovation et la coopération internationale. L’avenir de DeepSeek, et plus largement celui de l’IA, dépendra en grande partie des décisions prises dans les prochaines semaines. Une chose est sûre : l’ère de l’insouciance technologique est révolue.