Dans un mouvement inhabituel pour un fondateur tech, George Kurtz, PDG de CrowdStrike Holdings Inc., a récemment fait don de plus d’un milliard de dollars d’actions de sa société à des destinataires non divulgués. Cette décision a considérablement réduit son influence sur l’entreprise et suscite de nombreuses interrogations dans l’écosystème tech.
Une donation massive aux destinataires inconnus
Le mois dernier, George Kurtz a déclaré officiellement avoir cédé des actions CrowdStrike d’une valeur dépassant le milliard de dollars. Cette transaction importante n’a pas été accompagnée de précisions sur les bénéficiaires, ce qui alimente les spéculations dans le secteur.
Ce don massif s’inscrit dans une série de transactions qui ont progressivement diminué le pouvoir de Kurtz au sein de l’entreprise qu’il a fondée. D’après le dernier rapport proxy de CrowdStrike, son pouvoir de vote a chuté drastiquement, passant de 31% en 2022 à seulement 2,5% aujourd’hui – une réduction de 92% en à peine trois ans.
Un cas atypique dans la Silicon Valley
Cette dilution volontaire de pouvoir contraste fortement avec les pratiques habituelles des fondateurs de la tech américaine. En effet, la tendance dominante chez les entrepreneurs de la Silicon Valley est plutôt de conserver un contrôle étroit sur leurs entreprises, même après introduction en bourse.
« Les fondateurs tech utilisent généralement des structures à double classe d’actions pour maintenir leur contrôle, même lorsqu’ils détiennent une part minoritaire du capital. La démarche de Kurtz va complètement à contre-courant. »
— Sarah Meyohas, analyste spécialisée dans la gouvernance d’entreprise chez Goldman Sachs
Des exemples emblématiques comme Mark Zuckerberg (Meta), Larry Page et Sergey Brin (Google) ou encore Brian Chesky (Airbnb) illustrent cette tendance à garder fermement les rênes du pouvoir. Ces dirigeants ont mis en place des structures qui leur confèrent des droits de vote supérieurs, alors que Kurtz semble volontairement abandonner cette prérogative.
Contexte : CrowdStrike, géant de la cybersécurité
Pour mieux comprendre l’importance de cette décision, rappelons que CrowdStrike est devenu un acteur incontournable dans le domaine de la cybersécurité. Fondée en 2011 par George Kurtz, l’entreprise s’est imposée comme leader dans la détection et la prévention des cyberattaques, avec sa plateforme cloud Falcon.
La capitalisation boursière de CrowdStrike avoisine actuellement les 85 milliards de dollars, ce qui en fait l’une des entreprises de cybersécurité les plus valorisées au monde. L’action a connu une croissance spectaculaire depuis son introduction en bourse en 2019, multipliant sa valeur par plus de six.
Hypothèses sur les motivations de Kurtz
- Planification patrimoniale : Certains analystes suggèrent qu’il pourrait s’agir d’une stratégie d’optimisation fiscale et de transmission de patrimoine. Les dons à certaines entités, comme des fondations familiales, permettent d’éviter une partie des impôts sur les plus-values.
- Diversification personnelle : Après avoir vu la valeur de CrowdStrike exploser, Kurtz pourrait chercher à diversifier son patrimoine personnel tout en minimisant l’impact sur le cours de l’action qu’aurait provoqué une vente massive sur le marché.
- Préparation d’une transition : Cette dilution pourrait annoncer une future passation de pouvoir, Kurtz préparant progressivement son retrait de la direction opérationnelle.
- Pression des investisseurs : Des actionnaires institutionnels ont pu encourager cette réduction d’influence pour améliorer la gouvernance de l’entreprise.
Le silence de CrowdStrike concernant l’identité des bénéficiaires est particulièrement intrigant. L’entreprise n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires sur ce sujet.
Impact sur la gouvernance de l’entreprise
- Vulnérabilité accrue aux activistes : Avec un fondateur détenant moins de 3% des droits de vote, l’entreprise devient potentiellement plus exposée aux pressions d’investisseurs activistes.
- Changements stratégiques : Le conseil d’administration pourrait désormais exercer une influence plus importante sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
- Spéculations sur des acquisitions : Cette nouvelle structure de propriété pourrait faciliter une éventuelle acquisition, certains géants de la tech comme Microsoft ou Google étant régulièrement cités comme acquéreurs potentiels.
Réaction du marché
Les investisseurs ont réagi avec prudence à cette annonce. L’action CrowdStrike a montré une volatilité accrue dans les jours suivant la divulgation, avant de se stabiliser. Les volumes d’échanges ont temporairement augmenté de 45% par rapport à la moyenne des trois mois précédents.
« Le marché n’aime pas l’incertitude. Sans connaître les motivations exactes ni les bénéficiaires de ces dons, les investisseurs restent dans l’expectative concernant les implications à long terme pour la direction de l’entreprise. »
— Jean-François Dupont, analyste chez Oddo BHF
Un mouvement qui soulève des questions
Cette décision inhabituelle soulève des interrogations sur l’avenir de CrowdStrike et son modèle de gouvernance. Alors que l’entreprise continue d’afficher une croissance solide dans un secteur de la cybersécurité en pleine expansion, le désengagement partiel de son fondateur marque potentiellement un tournant dans son histoire.
Pour l’instant, George Kurtz reste à la tête de l’entreprise qu’il a créée, mais avec une capacité d’influence considérablement réduite. La stratégie derrière ce changement de structure de propriété reste un mystère que ni l’entreprise ni son PDG ne semblent pressés d’éclaircir.