L’intelligence artificielle (IA) révolutionne le monde, et le secteur culturel n’y échappe pas. Mais cette révolution soulève une question brûlante : comment rémunérer les auteurs dont les œuvres servent de carburant à ces machines créatives ? L’offre de Microsoft à HarperCollins – 5 000 dollars par titre, dont la moitié pour l’auteur – cristallise les tensions et met en lumière la complexité du problème. Derrière ce chiffre, un véritable champ de mines juridique et économique.
Les éditeurs face au dilemme de la monétisation
Certaines maisons d’édition, comme HarperCollins, signent des accords avec les géants de la tech. Contre rémunération, elles autorisent l’utilisation des œuvres de leurs auteurs pour l’entraînement des IA. Ces accords, souvent opaques, suscitent la méfiance : quelle est la part réellement reversée aux auteurs ? Comment évaluer la valeur d’une œuvre utilisée pour entraîner une IA potentiellement capable de générer des millions de dollars de revenus ?
L’offre de Microsoft, qualifiée de « partage des risques », ne convainc pas. 5 000 dollars par titre, dont seulement 2 500 pour l’auteur, apparaissent dérisoires pour certains, notamment face aux revenus potentiels générés par l’IA. Les syndicats d’auteurs s’inquiètent d’une érosion des droits d’auteur et d’une précarisation du métier d’écrivain. On craint un effet boule de neige : si un acteur majeur comme Microsoft fixe un barème aussi bas, d’autres pourraient suivre, tirant les prix vers le bas.
Un vide juridique face à une technologie galopante
Le droit d’auteur, conçu bien avant l’avènement de l’IA, se retrouve face à un défi inédit. L’AI Act, entré en vigueur en 2025, impose aux développeurs d’IA une certaine transparence sur les données d’entraînement. Mais cette transparence ne résout pas la question de la rémunération. Faut-il considérer les œuvres utilisées pour l’entraînement comme de simples données, ou comme des contributions essentielles à la création de valeur par l’IA ?
Aux États-Unis, des artistes ont lancé des actions collectives contre des entreprises comme Stability AI et Midjourney, accusées d’utiliser leurs œuvres sans autorisation. La jurisprudence en la matière est encore balbutiante, et les tribunaux tâtonnent pour définir les contours du droit d’auteur à l’ère de l’IA. Le cas du tribunal de Prague, qui a refusé de protéger une image générée par une IA, illustre cette difficulté.
Quelles solutions pour un futur équitable ?
Plusieurs pistes émergent pour encadrer l’utilisation des œuvres par l’IA et garantir une juste rémunération aux créateurs :
- Licences d’utilisation : Des licences spécifiques pourraient être mises en place pour encadrer l’utilisation des œuvres par les IA. Elles préciseraient les conditions d’utilisation, les montants des redevances, et garantiraient la transparence sur l’utilisation des données.
- Partage des revenus : Inspiré du système des droits voisins, ce modèle prévoirait une redistribution des revenus générés par les IA aux auteurs des œuvres utilisées pour leur entraînement. La complexité réside dans la mise en place d’un système de suivi et de répartition équitable.
- Micro-paiements et blockchain : La technologie blockchain pourrait permettre de tracer l’utilisation des œuvres et d’automatiser les micro-paiements aux auteurs à chaque utilisation de leur œuvre.
- Fonds de compensation : Un fonds alimenté par les entreprises développant des IA pourrait être créé pour compenser les auteurs dont les œuvres sont utilisées pour l’entraînement.
L’enjeu de la transparence et du contrôle
Au-delà de la question financière, les auteurs réclament davantage de transparence et de contrôle sur l’utilisation de leurs œuvres. Ils souhaitent savoir quelles œuvres sont utilisées, comment, et par qui. Certains s’inquiètent également du risque de voir leurs œuvres être détournées pour créer des contenus contraires à leurs valeurs.
« L’IA n’est pas un pillard : elle peut enrichir la culture humaine, mais à condition que les créateurs y trouvent leur compte. » – Expert en IA
Le défi est de trouver un équilibre entre l’innovation technologique et la protection des droits d’auteur. Un dialogue constructif entre les acteurs du secteur – auteurs, éditeurs, développeurs d’IA et législateurs – est indispensable pour construire un futur où l’IA et la création humaine pourront coexister harmonieusement. L’avenir du secteur culturel, et peut-être même de notre héritage culturel, en dépend.
L’accord entre Microsoft et HarperCollins pourrait servir de point de départ, mais il est crucial de le compléter par des mécanismes garantissant une rémunération juste et équitable pour les auteurs, ainsi qu’un contrôle accru sur l’utilisation de leurs œuvres. Les technologies de tracking, comme celles développées par GitHub Copilot et OpenAI, pourraient jouer un rôle clé dans ce processus.