Dans une interview franche avec le Financial Times, le PDG de Salesforce dévoile sa vision de la révolution IA et critique ouvertement ses concurrents, notamment Microsoft.
Une opportunité « multitrillionnaire » dans le travail digital
Marc Benioff, cofondateur et PDG de Salesforce, entreprise valorisée à 262 milliards de dollars, voit dans l’IA bien plus qu’une simple tendance technologique : une véritable transformation de l’économie mondiale. Il a lancé Agentforce, sa plateforme d’agents IA qui génère « un business de plusieurs milliards ».
« Nous construisons une activité sur cette idée simple que nous assistons à l’émergence d’une opportunité de plusieurs milliers de milliards de dollars dans le travail digital. Le monde finira par dépenser entre 3 et 12 trillions de dollars sur différentes formes de technologies, y compris des agents et des robots, pour fournir du travail digital et inaugurer ce nouveau monde d’abondance. »
L’IA : révolution ou bulle spéculative ?
Face aux questions sur une possible bulle spéculative autour de l’IA, Benioff reste philosophe. Pour lui, l’effervescence actuelle est nécessaire à l’innovation : « Il faut financer 10 000 entreprises pour en trouver 100 qui fonctionnent ». Il compare ce phénomène à la révolution internet où personne ne pouvait prédire qui deviendrait Google et qui resterait Ask Jeeves.
L’entrepreneur adopte une position nuancée sur les risques potentiels de l’IA. S’il se dit naturellement optimiste, il reconnaît que « la technologie n’est jamais bonne ou mauvaise en soi, c’est ce qu’on en fait qui compte ». Il évoque même Elon Musk qui, selon lui, est passé d’une vision très sombre de l’IA à davantage d’optimisme.
La fracture Microsoft-OpenAI confirmée
« C’est en train de se jouer sous nos yeux : il y a une énorme rupture entre Microsoft et OpenAI. C’est une rupture proximale complète. Et elle ne se résorbera pas. »
Selon Benioff, Microsoft est devenu « un simple revendeur de ChatGPT » et cherche désormais à développer ses propres modèles en engageant Mustafa Suleyman, ancien partenaire de Demis Hassabis chez DeepMind.
La commoditisation des modèles d’IA
Benioff prédit que les grands modèles de langage (LLM) deviendront de simples commodités interchangeables : « Les modèles seront de plus en plus des commodités. Ils font tous essentiellement la même chose et se suivent à six mois d’intervalle. »
Il souligne l’importance de l’open source et cite l’exemple de DeepSeek, un modèle chinois sous licence MIT qui pourrait « réduire de 90 % les coûts d’utilisation des modèles » pour des entreprises comme Salesforce.
Tarifs douaniers et politique : l’approche pragmatique
Interrogé sur les politiques tarifaires de l’administration Trump et leurs impacts potentiels, Benioff adopte une approche pragmatique : « Rarement un jour passe sans que j’aide des clients à gérer leur situation tarifaire. Cela nécessite une énorme quantité de gestion de données. » Il y voit même une opportunité pour Salesforce, puisque ces entreprises auront besoin de technologies pour gérer cette complexité.
Sur le plan politique personnel, Benioff a surpris en révélant qu’il n’était pas démocrate, contrairement à ce que beaucoup pensent : « Je ne suis pas un démocrate, mais je vis à San Francisco. J’ai travaillé dans l’administration Bush. » Il explique avoir adopté une position plus indépendante, surtout depuis l’acquisition du magazine Time pour 190 millions de dollars en 2018.
L’IA et l’emploi : transformation plutôt que bouleversement
Concernant l’impact de l’IA sur l’emploi, Benioff préfère parler de « transformation » plutôt que de « bouleversement ». Il évoque des « augmentations fondamentales de la productivité du PIB sans ajouter plus de personnes », un phénomène rare dans l’histoire.
Il illustre cette transformation par l’exemple des taxis autonomes Waymo : « Vous pouvez appeler la voiture, elle vient vous chercher. Il n’y a personne dans l’Uber, ça s’appelle un Waymo, et ça part. C’est un robot sur roues. C’est du travail digital. »
Larry Ellison, son mentor et l’avenir des centres de données
Benioff a évoqué sa relation avec Larry Ellison, fondateur d’Oracle et son ancien mentor. Il s’est dit impressionné par le projet Stargate, une initiative de 500 milliards de dollars lancée par Ellison, SoftBank et OpenAI pour construire des centres de données IA.
« C’est stupéfiant. Seul Larry Ellison aurait pu réussir ce coup »
Malgré les turbulences du marché (l’action Salesforce a chuté de 25 % cette année), Benioff reste confiant : « Nous avons réalisé un trimestre avec des revenus et des profits records, et des flux de trésorerie parmi les plus solides de l’histoire des entreprises. »
Pour le PDG de Salesforce, la mission reste claire : aider les clients à naviguer dans cette période de transformation en leur offrant une plateforme qui les « future-proof » face aux changements technologiques à venir.