Dans le grand jeu mondial de la tech, l’Asie-Pacifique n’est pas juste une région, c’est le théâtre d’une croissance explosive et d’enjeux colossaux. Et quand un géant comme Meta, maison-mère de Facebook, Instagram ou WhatsApp, y redessine sa carte des pouvoirs, ce n’est pas anodin. L’annonce d’une réorganisation de sa direction régionale sonne comme un signal fort : l’entreprise de Mark Zuckerberg veut muscler son jeu sur ces terres prometteuses, mais aussi complexes. Au cœur de ce remaniement, deux figures prennent du gallon : Benjamin Joe est promu à la tête de toute la région Asie-Pacifique, tandis que Sandhya Devanathan voit son rôle, déjà clé en Inde, s’élargir pour embrasser l’Asie du Sud-Est.
Benjamin Joe, le stratège expérimenté, propulsé à la tête de l’Asie-Pacifique
Commençons par celui qui prend du pays, ou plutôt de la région ! Benjamin Joe, dont le nom a circulé avec l’annonce, n’est pas un nouveau venu chez Meta. Il était depuis longtemps le vice-président en charge de l’Asie du Sud-Est, une zone qu’il connaît sur le bout des doigts, réputée pour son dynamisme numérique, la jeunesse de sa population et la diversité de ses marchés, des mastodontes comme l’Indonésie ou les Philippines aux économies plus petites mais en plein essor comme le Vietnam ou la Thaïlande.
Sa promotion au rang de vice-président de l’ensemble de la région Asie-Pacifique le place désormais au sommet de l’organigramme régional de Meta. Son périmètre s’étend des marchés matures comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou la Corée du Sud aux poids lourds émergents comme l’Inde et l’Asie du Sud-Est. Concrètement, cela signifie que c’est lui qui définira la stratégie globale de Meta pour cette immense zone géographique, supervisera les opérations dans chaque pays et sera l’interlocuteur privilégié pour les grands enjeux régionaux, qu’ils soient économiques, politiques ou réglementaires.
Basé très probablement depuis l’hub régional de Meta à Singapour, Joe aura pour mission d’aligner les initiatives pays sur une vision cohérente, de piloter la croissance des revenus publicitaires, de pousser l’adoption des nouveaux produits (du shopping en ligne à la réalité augmentée, en passant par les Reels) et de tisser des liens avec les acteurs clés de l’écosystème numérique local. Sa connaissance intime des dynamiques complexes de l’Asie du Sud-Est, une mosaïque de cultures et de législations, sera un atout majeur pour aborder l’ensemble de l’APAC, qui multiplie cette complexité à l’échelle.
Sandhya Devanathan, un leadership reconnu qui fédère Inde et Asie du Sud-Est
De l’autre côté de cette nouvelle organisation, on retrouve Sandhya Devanathan, une personnalité déjà très en vue au sein de Meta, notamment depuis qu’elle a pris la tête des opérations en Inde, le plus gros marché mondial en termes d’utilisateurs potentiels. Son succès dans ce pays-continent, réputé pour ses défis spécifiques et son adoption ultra-rapide du mobile et de la data à bas coût, lui vaut une confiance renouvelée. Son rôle est désormais officiellement étendu pour inclure l’Asie du Sud-Est, la région précisément gérée par Benjamin Joe avant sa promotion.
Ce qui est fascinant ici, c’est de voir Meta confier la gestion combinée de ses deux régions les plus massives et à plus forte croissance – l’Inde et l’Asie du Sud-Est – à une seule personne, Sandhya Devanathan. Cette décision, qui s’inscrit dans la nouvelle structure où Devanathan reportera à Benjamin Joe, le VP APAC, témoigne d’une volonté de créer des synergies fortes entre ces deux zones qui partagent de nombreux points communs : une jeunesse connectée et avide de contenus, un essor du e-commerce et des petites entreprises, et des infrastructures numériques en plein développement.
Devanathan, avec son expérience indienne, est particulièrement bien placée pour naviguer ces environnements. En Inde, elle a notamment mis l’accent sur l’écosystème des petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent une part colossale de l’économie et sont des clients publicitaires essentiels pour Meta. Elle a également beaucoup travaillé sur les formats vidéo courts (Reels), qui cartonnent dans toute la région face à la concurrence féroce de TikTok. Son succès à adapter les offres et les stratégies de Meta aux spécificités du marché indien est probablement ce qui a convaincu la direction de lui confier ce périmètre élargi.
Un axe stratégique sur lequel Sandhya Devanathan s’investit personnellement est le gaming. L’Inde et l’Asie du Sud-Est sont des zones où le jeu mobile est une puissance phénoménale, avec des millions de jeunes (et moins jeunes) qui jouent quotidiennement. Meta voit dans le gaming non seulement un vecteur d’engagement énorme sur ses plateformes, mais aussi une porte d’entrée pour ses ambitions dans le métavers et les expériences immersives.
Mais Sandhya Devanathan n’est pas qu’une dirigeante business. Son parcours et son engagement montrent aussi une dimension humaine importante. Elle est très impliquée dans les initiatives autour de la diversité, notamment en tant que mentor pour les femmes au sein de Meta et Executive Sponsor pour l’Asie-Pacifique. Son rôle dans des organisations comme la National Library Board de Singapour ou le US-India Business Council la positionne comme une interlocutrice clé au croisement des sphères publiques et privées, essentielle pour Meta dans une région où les partenariats et les relations gouvernementales sont cruciaux. Son leadership allie ainsi vision stratégique, exécution opérationnelle et conscience des enjeux sociétaux.
Pourquoi cette réorganisation maintenant ? Les enjeux stratégiques de l’Asie-Pacifique pour Meta
Ce double mouvement – Joe à l’APAC entière et Devanathan à l’Inde+SEA – n’est pas un simple jeu de chaises musicales. Il reflète une stratégie mûrement réfléchie pour aborder une région incontournable pour Meta. L’Asie-Pacifique représente près de 60 % de la population mondiale, un réservoir d’utilisateurs potentiels sans égal. Des pays comme l’Inde et l’Indonésie comptent déjà parmi les plus grands marchés pour Facebook, Instagram et WhatsApp.
Le potentiel de croissance y est encore colossal, notamment dans la monétisation. Le revenu moyen par utilisateur (ARPU) est plus bas dans les marchés émergents d’Asie-Pacifique comparé à l’Amérique du Nord ou l’Europe. Augmenter cet ARPU via la publicité, le commerce en ligne et les nouveaux services est un défi majeur. En regroupant l’Inde et l’Asie du Sud-Est sous une même direction, Meta espère rationaliser les stratégies d’acquisition d’utilisateurs, de monétisation et de développement de produits pour des marchés aux dynamiques similaires, afin de déployer plus rapidement les succès d’un pays à l’autre et de mutualiser certaines ressources ou apprentissages.
Cette nouvelle structure, avec un VP APAC unique (Joe) au-dessus des responsables de sous-régions (Devanathan pour Inde/SEA, et d’autres VP pour les marchés matures comme l’ANZ ou l’Asie du Nord), vise à renforcer la coordination et l’agilité à l’échelle régionale. Plutôt qu’une somme d’initiatives pays ou sub-régionales disjointes, Meta cherche à créer une stratégie d’ensemble, adaptée aux spécificités locales mais alignée sur les grandes priorités du groupe (l’IA, le shopping, les formats courts, les expériences immersives).
Les défis réglementaires sont une autre raison clé. Chaque pays d’Asie-Pacifique a ses propres lois sur les données, la modération de contenu, la concurrence et la fiscalité. Avoir un leader unique pour l’ensemble de l’APAC permet d’avoir une vision consolidée de ces enjeux et de développer des stratégies d’engagement plus efficaces avec les gouvernements et régulateurs de la région.
La concurrence est féroce. TikTok reste un rival majeur pour l’attention des jeunes, mais il existe aussi de puissants écosystèmes locaux, notamment dans le e-commerce (Shopee, Lazada) qui intègrent de plus en plus des fonctions sociales et publicitaires, ou des super-applications dominantes dans certains pays.
En plaçant deux de ses cadres dirigeants expérimentés à des postes clés, avec une répartition claire des responsabilités sous la direction de Benjamin Joe, Meta envoie un message clair : l’Asie-Pacifique est au sommet de ses priorités stratégiques. C’est là que se jouent une grande partie de sa croissance future, de sa capacité à innover pour des marchés variés et à naviguer des environnements réglementaires complexes.
Cette nouvelle structure de leadership devrait permettre à Meta d’être plus réactif, plus ciblé et de mieux exploiter les opportunités spécifiques à l’Inde et à l’Asie du Sud-Est, tout en assurant une cohérence et une vision globale à l’échelle de l’ensemble de l’Asie-Pacifique. L’efficacité de ce nouveau tandem Benjamin Joe – Sandhya Devanathan sera essentielle pour déterminer la trajectoire de Meta sur ce continent numérique en pleine ébullition. L’avenir de Meta se joue en grande partie en Asie, et l’entreprise met en place ses pions les plus aguerris pour s’assurer une position dominante.