Dans un revirement spectaculaire, Meta abandonne son système de fact-checking externe sur Facebook, Instagram et Threads, laissant ses partenaires historiques dans l’embarras. Mark Zuckerberg a annoncé ce matin la fin de cette collaboration débutée en 2016, privilégiant désormais un système de notes communautaires inspiré de X (anciennement Twitter).
« Nous avons appris la nouvelle comme tout le monde », déplore Alan Duke, cofondateur de Lead Stories, partenaire de Meta depuis 2019. « Aucun préavis. »
Cette décision, qui touche en premier lieu les États-Unis avant un déploiement mondial, impacte une dizaine d’organisations américaines spécialisées dans la vérification de l’information. Le nouveau système, baptisé « Community Notes », permettra aux utilisateurs de signaler et commenter les contenus jugés inexacts, à l’image de ce qui existe déjà sur X – avec les résultats mitigés que l’on connaît.
L’aspect financier inquiète particulièrement les organisations touchées. Jesse Stiller, rédacteur en chef de Check Your Fact, ne cache pas son désarroi : « L’avenir du site est totalement incertain ». Certaines structures, dont l’anonymat a été préservé, craignent même de ne pas survivre à cette perte de financement.
La timing de cette annonce fait particulièrement grincer des dents. Mark Zuckerberg multiplie les rapprochements avec Donald Trump depuis sa réélection : visite à Mar-a-Lago, promotion de Joel Kaplan (ancien de l’administration Bush) et nomination de Dana White (proche de Trump) au conseil d’administration de Meta.
Le PDG de Meta justifie ce changement en pointant du doigt un prétendu biais politique des fact-checkers, une accusation qui fait bondir les intéressés. « Vérifions les faits : Lead Stories suit les plus hauts standards journalistiques requis par le code de principes du Réseau International de Fact-Checking », réplique Alan Duke.
Les experts du secteur s’inquiètent de la viabilité du nouveau système. Emmanuel Vincent, directeur de Science Feedback, souligne : « Un modèle participatif de vérification peut fonctionner en théorie, mais pas sans expertise, particulièrement sur des sujets scientifiques et techniques complexes. »
Le rôle exact des fact-checkers est également source de débat. Contrairement aux allégations de censure, ces organisations ne faisaient qu’ajouter contexte et information aux publications, Meta conservant le pouvoir final de modération. Neil Brown du Poynter Institute dénonce « un faux-fuyant décevant qui perpétue une incompréhension du programme. »
Cette décision s’inscrit dans une stratégie plus large de Meta de se repositionner politiquement à l’approche des élections de 2025, quitte à sacrifier des partenariats historiques dans la lutte contre la désinformation. L’entreprise n’a pas souhaité commenter l’impact financier de cette décision sur ses anciens partenaires.