L’information a fait l’effet d’une bombe dans les milieux financiers et tech : Michael Grimes, figure emblématique de la Silicon Valley et banquier star de Morgan Stanley pendant trois décennies, serait pressenti pour diriger le nouveau fonds souverain américain voulu par Donald Trump. Une nomination qui soulève autant d’espoirs que d’interrogations.
Grimes, connu pour être un proche d’Elon Musk – il a orchestré le rachat de Twitter, devenu X, et conseillé Tesla à de multiples reprises – a quitté Morgan Stanley en février dernier pour rejoindre le Département du Commerce en tant que conseiller senior. Un passage éclair dans l’administration qui pourrait le propulser à la tête de ce projet pharaonique.
Ce fonds souverain, annoncé dans la foulée d’un décret présidentiel signé en février, a pour objectif de renforcer la puissance économique américaine face à la concurrence chinoise, notamment dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs. Un objectif ambitieux qui nécessite des moyens colossaux.
Un financement inédit, source de controverses
Le financement prévu pour ce fonds est pour le moins original : il proviendrait des recettes des douanes américaines, qui ont atteint 88 milliards de dollars en 2023. Une manne financière gérée par une agence dédiée, l’Internal Revenue Service (IRS), qui soulève des questions quant à sa pérennité. Les États-Unis étant en déficit structurel, contrairement aux pays disposant de fonds souverains traditionnels (comme ceux du Golfe persique), ce modèle basé sur les revenus douaniers apparaît fragile et susceptible de nécessiter des réformes budgétaires difficiles à mettre en œuvre.
L’utilisation envisagée de ces fonds est tout aussi audacieuse. Des investissements massifs dans les technologies émergentes sont prévus, ainsi que des acquisitions stratégiques. L’hypothèse d’un rachat de TikTok, régulièrement évoquée pour des raisons de sécurité nationale, pourrait être envisagée.
Grimes : le bon profil au bon moment ?
L’expérience de Grimes dans la finance et ses connexions solides au cœur de la Silicon Valley font de lui un candidat crédible pour piloter ce projet complexe. Son expertise dans le secteur des semi-conducteurs, acquise notamment grâce à son accompagnement de Tesla et ses conseils lors d’introductions en bourse de sociétés du secteur, est un atout majeur. D’autant plus que des rumeurs persistantes font état d’une possible restructuration du CHIPS Program Office, l’agence du Département du Commerce chargée de distribuer les milliards de dollars de subventions prévus par le CHIPS Act.
Si le lien entre la nomination de Grimes et une potentielle réforme du CHIPS Program Office n’est pas officiellement confirmé, il est probable que son expertise soit mise à contribution pour accélérer l’implantation de fonderies de semi-conducteurs sur le sol américain, un objectif prioritaire pour l’administration Trump.
Un pari politique risqué
Malgré le soutien affiché des républicains, qui voient en Grimes une figure capable de « normaliser » les initiatives économiques parfois controversées de Trump, cette nomination suscite de vives inquiétudes chez les démocrates. Certains, comme Jim Secreto, ancien responsable du Trésor sous Biden, pointent du doigt les risques de conflits d’intérêts et de politisation des investissements.
La réussite de ce fonds souverain dépendra en grande partie de la capacité de Grimes à naviguer dans un environnement politique tendu. L’orientation protectionniste de Trump et les tensions avec le Congrès, majoritairement démocrate, pourraient compliquer la mise en œuvre du projet.
Un équilibre fragile à trouver
Un autre défi majeur réside dans la mise en place d’une gouvernance efficace. Comme l’a souligné Jim Secreto, l’équilibre entre l’expertise des fonctionnaires et celle des professionnels du secteur privé sera crucial. Le CHIPS Act, qui a déjà mis à l’épreuve cette collaboration public-privé, servira sans doute de cas d’école.
La nomination de Michael Grimes marque un tournant dans la stratégie économique américaine. Trump mise sur les outils de la finance de marché et l’expertise du secteur privé pour atteindre ses objectifs géopolitiques. Reste à savoir si ce pari audacieux portera ses fruits. Le banquier star de la Silicon Valley, habitué aux transactions boursières, devra désormais faire ses preuves sur un terrain politiquement miné.