Nvidia s’apprête à dévoiler ses résultats financiers pour le quatrième trimestre de son exercice fiscal 2025 ce soir après la clôture des marchés. Ces chiffres viendront couronner une année exceptionnelle pour le fabricant de puces devenu, en l’espace de deux ans, l’une des entreprises les plus valorisées au monde.
Des attentes stratosphériques
Wall Street attend des résultats époustouflants avec un bénéfice par action ajusté de 0,84 dollar et un chiffre d’affaires de 38,04 milliards de dollars, selon les estimations consensuelles de LSEG. Ce dernier chiffre représenterait une hausse de 72% par rapport à la même période l’année dernière.
Plus impressionnant encore, sur l’ensemble de l’exercice fiscal, les analystes prévoient un doublement des revenus pour atteindre près de 130 milliards de dollars. Une performance qui souligne la place désormais incontournable qu’occupe Nvidia dans l’écosystème technologique mondial.
Cette croissance fulgurante s’explique par une raison simple : les GPU (Graphics Processing Units) de Nvidia sont devenus la pierre angulaire du développement et du déploiement des applications d’intelligence artificielle, comme ChatGPT d’OpenAI. Sans ces puces spécialisées, la révolution de l’IA générative n’aurait tout simplement pas été possible.
Un parcours boursier exceptionnel, mais des questions émergent
Les deux dernières années ont été extraordinaires pour les actionnaires de Nvidia. Le titre a bondi de plus de 440%, propulsant la capitalisation boursière de l’entreprise au-delà des 3 000 milliards de dollars, ce qui l’a temporairement placée comme l’entreprise américaine la plus valorisée.
Cependant, depuis octobre dernier, le cours de l’action stagne, signe que les investisseurs commencent à se poser des questions sur la capacité de l’entreprise à maintenir sa trajectoire de croissance. Jensen Huang, PDG charismatique de Nvidia, devra répondre à plusieurs inquiétudes lors de la conférence téléphonique qui suivra la publication des résultats.
Les défis qui se profilent à l’horizon
Les géants du cloud resserrent-ils les cordons de la bourse ?
Première préoccupation : les investissements futurs des géants du cloud computing – Microsoft, Google, Amazon et Oracle – qui représentent la majorité des clients de Nvidia. Ces hyperscalers ont massivement investi dans les infrastructures d’IA ces dernières années, mais certains signaux indiquent un possible ralentissement.
Un rapport récent de TD Cowen a notamment indiqué que Microsoft aurait annulé des contrats de location avec des opérateurs privés de data centers et ralenti ses négociations pour de nouveaux espaces. Ces informations ont alimenté les craintes concernant la pérennité de la croissance des infrastructures d’IA, dont une grande partie des dépenses concerne justement les puces Nvidia.
Microsoft a rapidement démenti, réaffirmant son intention d’investir 80 milliards de dollars dans ses infrastructures en 2025. De même, les autres grands clients de Nvidia maintiennent des plans d’investissement ambitieux : Alphabet (Google) vise 75 milliards de dollars de dépenses d’investissement, Meta prévoit jusqu’à 65 milliards, et Amazon ambitionne d’atteindre les 100 milliards.
Nous avons discuté avec des acteurs du secteur ce week-end, et bien qu’il soit certainement possible que des changements liés aux délais plus longs concernant les terrains aient lieu, la demande de GPU de Microsoft n’a pas changé.
Joseph Moore, analyste chez Morgan Stanley
Il maintient un objectif de cours de 152 dollars sur l’action Nvidia.
Le déploiement de Blackwell rencontre-t-il des obstacles ?
Les investisseurs seront particulièrement attentifs aux informations concernant le déploiement de Blackwell, la nouvelle génération de puces IA de Nvidia. Des informations publiées par Reuters en janvier suggéraient que la distribution de certaines versions de ces puces pourrait être plus lente que prévu, en raison de problèmes de surchauffe et de rendement de production.
Selon les estimations de Morgan Stanley, Microsoft représentera près de 35% des dépenses consacrées à Blackwell en 2025, suivi de Google (32,2%), Oracle (7,4%) et Amazon (6,2%). Le succès de cette nouvelle architecture est crucial pour Nvidia, car elle représente l’avenir de son offre dans le domaine de l’IA.
La concurrence chinoise et les restrictions d’exportation
Un autre sujet brûlant concerne l’émergence de modèles d’IA chinois performants, comme le R1 de DeepSeek, qui remettent en question l’idée selon laquelle toujours plus de puces Nvidia seraient nécessaires pour construire des IA plus intelligentes.
Cette évolution pourrait également pousser les autorités américaines à renforcer les restrictions d’exportation des puces IA de Nvidia vers la Chine pour des raisons de sécurité nationale. Le fabricant est déjà interdit d’expédier ses puces IA les plus avancées vers cette région, et développe des versions spécialement limitées pour le marché chinois.
Les prévisions pour 2026, indicateur crucial
Au-delà des résultats du quatrième trimestre, les investisseurs seront particulièrement attentifs aux prévisions de Nvidia pour son exercice fiscal 2026. Après une année 2025 exceptionnelle, la question est de savoir quelle croissance l’entreprise peut encore espérer réaliser.
Les analystes chercheront à évaluer la durabilité de la demande pour les puces IA de Nvidia, alors que certains concurrents comme AMD et Intel tentent de gagner des parts sur ce marché lucratif, et que des acteurs comme Microsoft, Google et Amazon développent également leurs propres puces spécialisées.
Avec une valorisation stratosphérique, Nvidia ne peut plus se permettre une simple croissance à deux chiffres – les investisseurs attendent une poursuite de la trajectoire explosive qui a caractérisé ces deux dernières années. Le discours de Jensen Huang sera donc scruté à la loupe pour y déceler les moindres indices sur l’avenir de ce fleuron technologique américain devenu le symbole de la révolution de l’IA.
