Une collaboration qui fait froid dans le dos se dessine entre le département d’efficacité gouvernementale (DOGE) d’Elon Musk et Palantir, la société cofondée par Peter Thiel. D’après des sources internes à l’administration fiscale américaine (IRS), les deux entités travaillent à la création d’une méga API permettant d’accéder à l’ensemble des bases de données de l’IRS.
Un « hackathon » de trois jours pour centraliser des données ultra-sensibles
Pendant trois jours cette semaine, des représentants de Palantir et l’équipe de DOGE ont collaboré avec des dizaines d’ingénieurs de l’IRS lors d’un événement qualifié de « hackathon ». L’objectif ? Construire une couche d’API unique au-dessus de toutes les bases de données de l’administration fiscale américaine.
Pour les non-initiés, une API (interface de programmation d’application) permet à différentes applications d’échanger des données. Dans ce cas précis, elle pourrait servir à transférer les données de l’IRS vers le cloud et à y accéder depuis cette plateforme. L’inquiétude majeure réside dans le fait que DOGE semble vouloir accéder à toutes les données de l’IRS – noms, adresses, numéros de sécurité sociale, déclarations fiscales et informations sur l’emploi des contribuables américains. Un témoin direct du projet a confié à WIRED que, si le projet aboutit, DOGE souhaiterait que le logiciel Foundry de Palantir devienne le « centre de lecture » de l’ensemble des systèmes de l’IRS.
Palantir : le géant de la data au service du gouvernement
Palantir n’est pas un nouveau venu dans l’écosystème gouvernemental américain. L’entreprise a déjà engrangé des milliards de dollars en contrats publics et développe divers outils logiciels pour les administrations, notamment Foundry – la solution au cœur de ce projet – ainsi que Gotham, un outil d’analyse de données utilisé dans les domaines de la défense et du renseignement.
Le PDG de Palantir, Alex Karp, a récemment évoqué la « disruption » des initiatives de réduction des coûts de DOGE en déclarant : « Ce qui est bon pour l’Amérique sera bon pour les Américains et très bon pour Palantir. » Cette déclaration prend tout son sens lorsque l’on constate que d’anciens employés de Palantir occupent désormais des postes clés dans l’informatique gouvernementale et au sein de DOGE.
Une opération éclair pour révolutionner l’IRS
L’événement a débuté mardi matin et s’est conclu jeudi après-midi. Selon des sources, l’organisation de ce « hackathon » était « très peu structurée », certains ingénieurs déambulant dans la salle en débattant des moyens d’atteindre l’objectif fixé par DOGE. Le plus impressionnant : l’équipe en charge finaliserait le projet d’API en 30 jours seulement, un délai extrêmement court pour un projet d’une telle ampleur impliquant des données ultra-sensibles.
Sam Corcos aux commandes
Le projet est dirigé par Sam Corcos, PDG d’une entreprise de santé numérique et ancien ingénieur de SpaceX, dans le but de rendre les systèmes de l’IRS plus « efficaces », selon des sources internes. Lors de récentes réunions avec des employés de l’IRS, Corcos a évoqué la possibilité de suspendre l’ensemble des travaux d’ingénierie ainsi que d’annuler les contrats en cours pour moderniser les systèmes informatiques de l’agence.
Dans une intervention sur Fox News en mars, Corcos a expliqué : « Nous avons jusqu’à présent arrêté des travaux et coupé environ 1,5 milliard de dollars du budget de modernisation. Il s’agit principalement de projets qui auraient continué à nous entraîner dans la spirale infernale de la complexité de notre base de code. » Par ailleurs, Corcos occupe le poste de conseiller spécial du secrétaire au Trésor, Scott Bessent.
Une centralisation des données qui inquiète
Ce projet de consolidation fait suite à un décret exécutif du président Donald Trump, visant à éliminer les « silos d’information » au sein des agences gouvernementales. Si l’objectif affiché est de lutter contre la fraude et le gaspillage, la centralisation des données sensibles en un seul endroit pose d’importantes questions quant à la sécurité et à la protection de la vie privée.
Les préoccupations ne se sont pas fait attendre, puisque le Government Accountability Office (GAO) a ouvert une enquête sur la gestion des données sensibles par DOGE, impliquant également le Trésor ainsi que les départements du Travail, de l’Éducation, de la Sécurité intérieure et de la Santé et des Services sociaux, comme l’a rapporté WIRED mercredi.
Les enjeux technologiques d’une telle API
La plateforme Foundry de Palantir, au centre du projet, permet d’organiser les données, de créer des applications et d’exécuter des modèles d’intelligence artificielle. En structurant les données et grâce à sa couche d' »ontologie », Foundry est capable de générer des API facilitant des connexions plus rapides et le déploiement de modèles d’apprentissage automatique. Cette fonctionnalité offrirait la possibilité d’interroger le système via des outils d’IA pour trier rapidement les informations de l’IRS, ce qui soulève des questions majeures en termes de confidentialité et de sécurité.
Un silence radio du côté officiel
Le département du Trésor est heureux d’avoir réuni une équipe d’ingénieurs chevronnés de l’IRS, identifiés comme le personnel technique le plus talentueux. Grâce à cette coalition, ils rationaliseront les systèmes de l’IRS pour créer le service le plus efficace pour le contribuable américain. Cette semaine, l’équipe a participé au lancement de la feuille de route de l’IRS, un séminaire regroupant diverses sessions stratégiques, alors qu’elle travaille avec diligence à l’élaboration de systèmes performants. Ce nouveau leadership et cette orientation renouvelée maximiseront leurs capacités et agiront comme un multiplicateur de force technologique dont l’IRS a besoin depuis des décennies.
Aucune réponse officielle de la part du département du Trésor n’a été apportée concernant le rôle de Palantir dans ce projet, et ni Palantir ni Sam Corcos n’ont souhaité commenter davantage la situation.