L’affaire d’espionnage présumé entre les géants de la tech Deel et Rippling prend une tournure dramatique. Keith O’Brien, l’homme au centre du scandale, affirme dans un affidavit sous serment avoir été payé par Deel pour espionner son concurrent direct Rippling, avec la complicité directe d’Alex Bouaziz, PDG de Deel.
Une affaire qui ébranle la tech mondiale vient d’éclater au grand jour. Dans une déposition sous serment auprès de la justice irlandaise, Keith O’Brien, employé de Rippling, affirme avoir été recruté comme « taupe » par Deel, son concurrent direct dans le secteur des solutions RH et paie. Plus troublant encore, l’homme implique directement Alex Bouaziz, PDG et co-fondateur de Deel, valorisée à 12 milliards de dollars, dans ce qui s’apparente à un cas majeur d’espionnage industriel.
Une confession explosive qui soulage sa conscience
Dans sa déclaration sous serment, O’Brien explique avoir décidé de passer aux aveux après une période de grande détresse psychologique :
J’ai décidé de coopérer après avoir reçu un SMS d’un ami le 25 mars 2025 disant : ‘la vérité vous libérera’. J’étais également en voiture avec un membre de ma famille pour rencontrer mes avocats et elle m’a dit que si j’avais fait quelque chose de mal, je devrais ‘simplement dire la vérité’. J’avais de mauvaises pensées à ce moment-là ; c’était une période horrible pour moi. Je tombais malade à force de dissimuler ce mensonge.
L’employé irlandais ajoute avoir réalisé qu’il nuisait à lui-même et à sa famille « pour protéger Deel ». Malgré ses craintes persistantes face à la puissance financière d’Alex Bouaziz et de son père Philippe (CFO de Deel), O’Brien a choisi de collaborer avec la justice, affirmant ressentir « un sentiment de soulagement » après avoir parlé à ses avocats.
Des détails accablants sur le recrutement de l’espion présumé
Les révélations d’O’Brien sont particulièrement détaillées. D’après l’affidavit, Alex Bouaziz lui aurait directement proposé de devenir un « espion » pour Deel tout en restant employé chez Rippling :
- Alex m’a dit qu’il « avait une idée ». Il a suggéré que je reste chez Rippling et devienne un « espion » pour Deel, et je me souviens qu’il a spécifiquement mentionné James Bond. Je lui ai demandé ce qu’il voulait dire.
- Il a dit qu’il m’offrirait une récompense monétaire si j’acceptais d’espionner Rippling pour Deel. Je lui ai dit que je devais y réfléchir.
Un système de communication élaboré
Le document juridique révèle également l’existence d’un canal Telegram dédié aux communications entre l’espion présumé et la direction de Deel :
En plus de Philippe [Bouaziz] et moi-même, le canal Telegram dans lequel nous discutions de mes paiements incluait une troisième personne qu’Alex [Bouaziz] appelait uniquement ‘the Watchman’ (le Veilleur). Je ne sais pas qui est le Veilleur. Je sais seulement que ses initiales étaient ‘A.D.’ dans la conversation Telegram.
Rippling contre-attaque juridiquement
Face à ces allégations, Rippling n’a pas tardé à réagir. L’entreprise a intenté une action en justice contre Deel, accusant la licorne de 12 milliards de dollars d’avoir « orchestré un vol de secrets commerciaux et un espionnage industriel de longue durée ».
L’affaire commence également à attirer l’attention des médias irlandais, avec l’Irish Independent qui a commencé à couvrir ce scandale impliquant un ressortissant irlandais.
Contexte : une rivalité féroce dans le secteur des RH tech
Pour comprendre l’ampleur de cette affaire, il faut rappeler que Deel et Rippling sont deux acteurs majeurs du marché des solutions RH et de paie pour entreprises internationales. Fondée en 2019 par Alex Bouaziz et Shuo Wang, Deel s’est imposée comme un leader des solutions de gestion de paie internationale et d’embauche à l’étranger, atteignant une valorisation de 12 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds.
De son côté, Rippling, co-fondée par Parker Conrad (ancien fondateur de Zenefits), propose une plateforme similaire et s’est positionnée comme un concurrent direct de Deel sur ce marché en pleine expansion, particulièrement depuis l’explosion du travail à distance post-pandémie.
La structure familiale de Deel, avec Alex Bouaziz comme PDG et son père Philippe comme directeur financier, est également un élément notable mentionné à plusieurs reprises dans les documents judiciaires, suggérant une concentration du pouvoir décisionnel au sein de l’entreprise.
Des implications potentiellement désastreuses
Si les allégations contenues dans l’affidavit d’O’Brien s’avèrent exactes, les conséquences pourraient être dévastatrices pour Deel et ses dirigeants. Au-delà des poursuites civiles intentées par Rippling, ce type d’espionnage industriel pourrait potentiellement entraîner des poursuites pénales dans plusieurs juridictions.
L’intégralité de l’affidavit de Keith O’Brien a été rendue publique, permettant à quiconque de consulter ce document qui détaille l’opération d’espionnage présumée. Les 15 pages de témoignage sous serment constituent un récit fascinant des coulisses d’une guerre commerciale sans merci dans le secteur ultra-compétitif de la tech.
Pour Deel, valorisée à 12 milliards de dollars et comptant plus de 2 000 employés dans le monde, cette affaire pourrait non seulement entacher sa réputation mais aussi mettre en péril sa position sur le marché si les accusations d’espionnage industriel sont confirmées par la justice.
En attendant les prochains développements juridiques, cette affaire soulève de sérieuses questions sur l’éthique des affaires dans le secteur technologique et les limites de la concurrence dans un écosystème où l’information constitue l’actif le plus précieux.