Le « village Shein » de Panyu, en Chine, autrefois symbole de la fulgurante ascension du géant de la fast-fashion, se vide peu à peu de ses ateliers. La fin de l’exemption de minimis par les États-Unis, conjuguée à une hausse des droits de douane, sonne le glas pour de nombreux petits fournisseurs. Poussés par Shein, ces derniers se tournent désormais vers le Vietnam, laissant derrière eux un écosystème industriel en pleine crise.
Le retour des taxes Trump, un coup dur pour Panyu
Le retour de Donald Trump à la présidence américaine marque un tournant protectionniste. Dès janvier 2024, son administration a rétabli et renforcé les droits de douane sur les produits chinois, avec une augmentation à 10 % pour le secteur textile. Cette politique, visant à réduire la dépendance américaine aux importations chinoises, fragilise directement le modèle économique de Panyu, district du Guangdong devenu synonyme de production à bas coût pour Shein. Des dizaines d’ateliers, souvent de petite taille et dépendant fortement des commandes du géant du fast-fashion, voient leur rentabilité s’effondrer. La menace de nouvelles taxes plane, accentuant la pression sur ces acteurs déjà fragilisés.
Shein entre le marteau et l’enclume : pressions américaines et accusations éthiques
Shein, dont le siège est à Guangzhou, se trouve au cœur de la tourmente. Déjà pointée du doigt pour ses pratiques sociales opaques, la marque est maintenant confrontée aux conséquences directes des sanctions américaines. Des enquêtes, notamment celle de Public Eye, ont mis en lumière des conditions de travail précaires, voire illégales, dans certains ateliers de Panyu. Le travail des enfants, malgré les dénégations et les promesses de Shein, reste une préoccupation majeure. L’absence de transparence sur la liste des fournisseurs rend difficile un contrôle efficace des conditions de travail.
Panyu : un écosystème industriel en déclin
Panyu, historiquement un centre névralgique du textile chinois, avec ses six zones industrielles clés (Chen Bian, Yuangang, Tangxi…), est confronté à une crise structurelle. Sa dépendance aux exportations (80 % de la production destinée aux marchés internationaux) et le manque de transparence autour des chaînes d’approvisionnement rendent l’écosystème particulièrement vulnérable. La compétition avec le Vietnam, qui offre des coûts de production similaires avec des droits de douane plus avantageux, accentue le déclin de Panyu.
Problèmes structurels à Panyu | Impact |
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Dépendance aux exportations (80%) | Vulnérabilité aux fluctuations du marché international |
Manque de transparence des chaînes d’approvisionnement | Difficulté de contrôle des conditions de travail et des pratiques éthiques |
Concurrence vietnamienne | Perte de compétitivité et délocalisation des entreprises |
Le Vietnam, Eldorado ou mirage ?
Si le Vietnam se présente comme une solution de repli pour Shein et ses fournisseurs, cette délocalisation pose de nouvelles questions. Les usines vietnamiennes, souvent moins modernisées que leurs homologues chinoises, nécessitent des investissements importants en formation et en infrastructure. Par ailleurs, la question des conditions de travail au Vietnam reste cruciale. Les syndicats locaux alertent déjà sur la surcharge de travail et la précarité dans certaines zones industrielles. Le risque de reproduire les mêmes dérives éthiques que celles observées en Chine est réel.
La crise de Panyu est un révélateur des tensions géopolitiques et des enjeux éthiques qui traversent l’industrie de la fast-fashion. Elle met en lumière la nécessité d’une plus grande transparence des chaînes d’approvisionnement et d’un meilleur respect des droits des travailleurs. L’avenir du « village Shein » et de ses milliers d’ouvriers reste incertain, suspendu aux choix stratégiques de Shein et aux politiques commerciales des grandes puissances.