C’est la fin d’une époque. Après 23 ans de bons et loyaux services, Skype, le pionnier des appels via internet, va définitivement disparaître. Microsoft a annoncé cette semaine la fermeture de sa plateforme de messagerie et d’appels le 5 mai 2025. Un coup dur pour les nostalgiques, mais une décision stratégique pour le géant de Redmond qui souhaite désormais concentrer tous ses efforts sur Teams.
La fin d’un pionnier de la tech européenne
Lancé en 2003, Skype a révolutionné notre façon de communiquer en permettant d’appeler gratuitement d’un ordinateur à un autre via internet, à une époque où les appels internationaux coûtaient une fortune. Ce service, créé par des entrepreneurs européens, est rapidement devenu l’un des premiers grands succès technologiques du Vieux Continent.
Mais comme toute bonne histoire tech, celle de Skype est aussi faite de rachats. D’abord acquis par eBay en 2005, puis revendu à des investisseurs en 2009, Skype a finalement été racheté par Microsoft en 2011 pour la coquette somme de 8,5 milliards de dollars. À l’époque, le service comptait 124 millions d’utilisateurs mensuels et semblait promis à un avenir radieux.
Jeff Teper, président des applications collaboratives Microsoft 365, a déclaré à TechCrunch :
Nous savons que c’est un grand changement pour nos utilisateurs Skype, et nous sommes très reconnaissants pour leur soutien et tous les enseignements qui ont contribué à l’évolution de Teams ces sept dernières années. À ce stade, concentrer tous nos efforts sur Teams nous permettra de délivrer un message plus simple et d’innover plus rapidement.
Un déclin progressif face à la concurrence
Si Skype a atteint son apogée en 2013 avec 300 millions d’utilisateurs, son déclin s’est amorcé avec l’émergence des smartphones et l’apparition de nouvelles applications de messagerie. Pour donner un ordre d’idée, WhatsApp a dépassé les 2 milliards d’utilisateurs en 2020.
Les derniers chiffres communiqués par Microsoft en 2023 faisaient état d’environ 36 millions d’utilisateurs quotidiens pour Skype – bien loin de ses heures de gloire. En parallèle, Teams a connu une croissance fulgurante, notamment pendant la pandémie.
Le tournant s’est véritablement opéré en 2016 avec le lancement de Microsoft Teams. Initialement perçu comme un concurrent de Slack pour les entreprises, Teams a progressivement empiété sur le territoire de Skype en intégrant des fonctionnalités de chat vidéo et textuel. En 2021, Microsoft a fait de Teams l’application de communication intégrée par défaut dans Windows 11, reléguant définitivement Skype au second plan.
La migration vers Teams : ce qui vous attend
Les utilisateurs de Skype ont maintenant 10 semaines pour décider quoi faire de leur compte. Microsoft propose deux options principales :
- Migrer vers Teams Free : Les utilisateurs pourront télécharger l’application Teams et s’y connecter avec leurs identifiants Skype. Tous leurs contacts et historiques de conversations seront automatiquement transférés. Teams Free offre certaines fonctionnalités supplémentaires comme l’intégration de calendriers, mais…
- Exporter leurs données : Pour ceux qui préfèrent ne pas passer à Teams, Skype propose un outil d’exportation intégré à l’application.
Attention toutefois : si vous ne faites rien avant le 5 mai, Microsoft conservera vos données jusqu’à la fin de l’année 2025, après quoi elles seront définitivement supprimées.
Ce qui va manquer aux utilisateurs
La transition vers Teams Free n’est pas sans conséquence. Contrairement à Skype, Teams Free ne permettra pas d’appeler des numéros de téléphone mobile ou fixe, ni de recevoir des appels via un numéro Skype – des fonctionnalités pourtant emblématiques du service.
Microsoft avait déjà commencé à restreindre ces services en décembre 2024 en empêchant les utilisateurs d’ajouter du crédit à leurs comptes ou d’acheter des numéros Skype. Les renouvellements d’abonnements cesseront définitivement le 3 avril.
Pour les utilisateurs ayant encore du crédit sur leur compte, Microsoft proposera un pavé de numérotation Skype disponible à la fois sur le portail web de Skype et dans Teams, et ce pour une durée indéterminée.
Amit Fulay, vice-président produit chez Microsoft, explique ce choix :
Nous avons analysé l’utilisation de la téléphonie sur Skype pendant un certain temps, et les habitudes ont changé, l’usage a évolué. Les gens ont maintenant des forfaits de données mobiles, ce qui n’était pas le cas quand cette fonctionnalité a été lancée il y a de nombreuses années.
La frontière floue entre professionnel et personnel
L’un des aspects les plus frappants de cette transition est la façon dont les frontières entre outils professionnels et personnels s’estompent. Skype a commencé comme un produit grand public avant de s’étendre au monde professionnel, tandis que Teams a suivi le chemin inverse.
Teams conserve pourtant une image très professionnelle, ne serait-ce que par son nom. On imagine mal des familles ou des amis se considérer comme faisant partie d’une « équipe ».
Jeff Teper reste optimiste quant à cette transition :
Je pense que beaucoup de gens feront la transition [de Skype vers Teams]. Si vous pensez à Word, Excel, PowerPoint, ce sont des marques qui fonctionnent aussi bien pour un usage professionnel que personnel. Nous avons des enfants et des parents qui font leurs devoirs dans Word, et des budgets dans Excel, donc nous avons de bons précédents concernant l’utilisation de nos outils dans la vie personnelle et professionnelle.
La fin d’une époque technologique
La disparition de Skype marque la fin d’une ère pour la technologie européenne et pour tous ceux qui ont grandi avec ses sonneries caractéristiques et ses appels vidéo parfois saccadés. Avant FaceTime, WhatsApp ou Zoom, c’est Skype qui nous permettait de voir et parler gratuitement à nos proches éloignés.
Pour beaucoup d’utilisateurs européens, Skype représentait aussi une rare success story technologique européenne face aux géants américains. Son absorption progressive par Microsoft et sa disparition au profit de Teams symbolisent également l’évolution d’un secteur où la concentration des services entre les mains de quelques acteurs devient la norme.
La fermeture de Skype ne fera probablement pas les gros titres comme la chute de MySpace ou la fin d’autres services emblématiques, mais elle marque néanmoins la disparition discrète d’un service qui a véritablement changé notre façon de communiquer à l’échelle mondiale.
