Alors que Pavel Durov fait face à la justice française, l’application de messagerie connaît une croissance explosive et envisage une possible entrée en bourse.
L’application de messagerie Telegram a réalisé un bond spectaculaire en termes financiers, atteignant 540 millions de dollars de bénéfices en 2024, son premier résultat annuel positif. Ces chiffres interviennent dans un contexte particulier, alors que son fondateur Pavel Durov est empêtré dans une procédure judiciaire en France qui pourrait potentiellement menacer l’avenir de la plateforme.
Des résultats financiers qui explosent
Selon une présentation confidentielle destinée aux investisseurs et consultée par le Financial Times, le groupe basé à Dubaï a généré 1,4 milliard de dollars de revenus en 2024, soit une augmentation vertigineuse par rapport aux 343 millions enregistrés l’année précédente. Ce renversement de situation est d’autant plus remarquable que l’entreprise avait essuyé une perte de 173 millions de dollars en 2023.
Ces résultats exceptionnels ont été partagés alors que Telegram s’apprête à lancer une offre obligataire d’environ 1,5 milliard de dollars pour racheter sa dette existante. Cette opération, qui a débuté mardi, pourrait être finalisée dès la semaine prochaine.
La croissance de Telegram s’explique notamment par une augmentation significative du nombre d’utilisateurs payants et par les revenus générés grâce à son écosystème crypto, notamment via la blockchain TON et sa cryptomonnaie Toncoin.
D’où viennent les revenus de Telegram ?
La catégorie « partenariats et écosystème » représente la moitié des revenus et provient principalement des « mini apps » développées par des tiers directement dans Telegram. Ces applications couvrent des domaines comme le commerce en ligne et les jeux, et s’appuient sur la blockchain TON, initialement développée par Telegram mais désormais maintenue par la communauté open source.
Des documents antérieurs consultés par le Financial Times avaient déjà révélé que l’entreprise avait profité d’accords avec des tiers liés à Toncoin, ainsi que de la vente de ses propres avoirs en cryptomonnaie.
Des ambitions qui ne faiblissent pas
Malgré les incertitudes juridiques, Telegram ne cache pas ses ambitions. L’entreprise vise des revenus de 2 milliards de dollars en 2025, soit une augmentation de 46 % par rapport à 2024, avec un bénéfice estimé à 720 millions de dollars. En février 2025, le groupe disposait d’environ 530 millions de dollars de trésorerie, un chiffre qui n’inclut pas ses actifs en cryptomonnaies.
Telegram revendique désormais plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde, pour une équipe permanente d’à peine 60 personnes. L’entreprise sous-traite l’essentiel de sa modération à des contractants externes.
Les défis judiciaires de Pavel Durov
La croissance de Telegram se poursuit malgré l’ombre qui plane sur son avenir depuis l’arrestation de son fondateur par les autorités françaises à Paris en août dernier.
Pavel Durov, né en Russie mais désormais citoyen français et émirati, est accusé de ne pas avoir suffisamment lutté contre la criminalité sur sa plateforme, notamment concernant les abus sur mineurs et le terrorisme. Cette affaire pourrait aboutir à une peine de prison.
« Faire croire à tort que Telegram n’a rien fait pour supprimer la pornographie infantile est une tactique de manipulation. »
Durov a également prétendu avoir refusé une demande de Nicolas Lerner, chef du renseignement français, visant à interdire des voix conservatrices en Roumanie avant des élections dans ce pays. Les services de renseignement français ont catégoriquement rejeté ces accusations.
Un partenariat stratégique avec xAI d’Elon Musk
Dans sa présentation aux investisseurs, Telegram a également évoqué des opportunités liées à l’intelligence artificielle, affirmant devenir la plus grande plateforme ouverte pour « l’IA conversationnelle ».
L’entreprise a mis en avant un nouveau partenariat avec xAI, la société d’intelligence artificielle d’Elon Musk. Le chatbot Grok de xAI a été intégré à Telegram « avec des plans pour le promouvoir au sein de la plateforme et partager les revenus générés », sans toutefois révéler plus de détails sur cet accord.
Cette collaboration marque la première expansion majeure de Grok au-delà de X (ex-Twitter), également propriété de Musk. Ce rapprochement n’est pas anodin, Durov et Musk partageant des positions similaires sur la liberté d’expression. Dimanche dernier, le propriétaire de X a d’ailleurs partagé le message de Durov concernant la demande présumée des renseignements français à ses 220 millions d’abonnés, accompagné d’un simple « Wow ».
Vers une entrée en bourse ?
Selon plusieurs personnes familières avec les appels aux investisseurs potentiels, John Hyman, directeur des investissements de Telegram, a déclaré que l’entreprise avait atteint tous ses objectifs financiers et qu’une introduction en bourse (IPO) pourrait être envisagée si les marchés devenaient plus favorables.
L’entreprise a toutefois reconnu que l’enquête française pourrait constituer un obstacle à cette IPO, tout en notant que cette affaire pourrait être résolue dès cette année.
La nouvelle offre obligataire, proposée avec un rendement de 9 %, donnerait aux investisseurs une option pour acheter des actions lors d’une éventuelle introduction en bourse avec une décote de 20 %, reprenant ainsi les conditions des précédentes émissions obligataires. Telegram, entièrement détenue par Durov, a déjà émis environ 2,4 milliards de dollars d’obligations au cours des quatre dernières années et a racheté 375 millions de dollars de ses obligations en circulation entre septembre et décembre 2024.