La guerre technologique entre Pékin et Washington s’intensifie. La Chine a vivement réagi ce lundi aux nouvelles directives américaines visant à dissuader les entreprises d’utiliser des puces IA avancées chinoises, notamment les processeurs Ascend de Huawei.
Washington durcit le ton sur les composants chinois
Dans un communiqué cinglant, le ministère chinois du Commerce a exhorté les États-Unis à « corriger immédiatement leurs erreurs » et à mettre fin aux mesures qu’il qualifie de « discriminatoires ». Cette réaction fait suite à la publication par l’administration américaine de recommandations déconseillant aux entreprises l’utilisation de puces d’intelligence artificielle chinoises, avec une mention spéciale pour les processeurs Ascend de Huawei.
Un consensus de Genève déjà fragilisé
Cette nouvelle escalade intervient dans un contexte déjà tendu. Selon Pékin, l’initiative américaine « sape gravement le consensus atteint lors des pourparlers bilatéraux de haut niveau à Genève ». Ces négociations, qui s’étaient tenues début 2025, avaient pourtant laissé entrevoir une possible détente dans les relations commerciales entre les deux superpuissances.
Le ministère chinois n’a pas hésité à promettre des « mesures résolues » si Washington continuait à « porter atteinte de manière substantielle aux intérêts de la Chine ». Une menace qui laisse présager une nouvelle vague de rétorsions dans ce conflit technologique qui dure depuis maintenant plusieurs années.
L’offensive américaine contre les puces IA chinoises
Cette nouvelle directive s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration américaine visant à limiter l’accès de la Chine aux technologies avancées, particulièrement dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Les puces Ascend de Huawei, spécifiquement visées par ces mesures, représentent la tentative la plus aboutie de la Chine pour créer des alternatives aux processeurs IA américains dominants sur le marché, comme ceux de Nvidia ou AMD. Lancée en 2023, la série Ascend 910B est considérée comme une réponse directe aux restrictions américaines qui empêchent Huawei d’accéder aux semi-conducteurs avancés fabriqués avec des technologies américaines.
Selon des experts du secteur, ces puces Ascend présentent des performances impressionnantes, avec une capacité de calcul qui se rapprocherait des GPU A100 de Nvidia (bien que toujours en retrait par rapport aux H100 plus récents). Un analyste de TechInsights avait d’ailleurs qualifié la puce 910B de « petit miracle technologique », compte tenu des contraintes imposées par les sanctions américaines.
La parade chinoise face aux sanctions
Face aux restrictions américaines, Huawei a développé ces dernières années une stratégie d’autonomisation technologique. L’entreprise chinoise a massivement investi dans la recherche et le développement, tout en créant des partenariats avec des fonderies chinoises comme SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corporation).
« Les tentatives américaines de restreindre notre accès aux technologies de pointe n’ont fait qu’accélérer notre innovation », déclarait le mois dernier Richard Yu, PDG de la division grand public de Huawei, lors d’une conférence à Shenzhen.
Des enjeux géopolitiques majeurs
Cette nouvelle passe d’armes s’inscrit dans un contexte plus large de compétition technologique entre les deux superpuissances. Depuis 2018 et les premières mesures contre Huawei sous l’administration Trump, les États-Unis ont progressivement resserré l’étau autour des entreprises technologiques chinoises.
En octobre 2022, Washington avait déjà drastiquement restreint les exportations de semi-conducteurs avancés et d’équipements de fabrication vers la Chine. Ces mesures ont poussé des entreprises comme Nvidia à développer des versions spéciales de leurs puces (H20, L20) pour le marché chinois, conformes aux restrictions américaines mais offrant des performances réduites.
Un marché mondial sous tension
Les conséquences de ce conflit dépassent largement le cadre sino-américain. L’industrie mondiale des semi-conducteurs se trouve prise en étau, contrainte de naviguer entre des réglementations contradictoires et des marchés fragmentés.
Pour les entreprises européennes et asiatiques, la situation devient particulièrement délicate. Elles doivent choisir entre l’accès au marché chinois, le plus important au monde en volume, et la conformité avec les restrictions américaines qui conditionnent leur accès aux technologies occidentales.
Les analystes du secteur s’inquiètent également d’une possible bifurcation technologique mondiale, avec l’émergence de deux écosystèmes technologiques incompatibles : l’un dominé par les États-Unis et leurs alliés, l’autre par la Chine.
Des implications pour l’industrie de l’IA
Pour le secteur de l’intelligence artificielle, cette escalade pourrait avoir des conséquences majeures. La disponibilité des puces IA est déjà un goulot d’étranglement pour le développement de nombreuses applications d’IA générative.
En restreignant l’utilisation des puces chinoises tout en limitant l’exportation des puces américaines vers la Chine, Washington risque d’accentuer la pénurie mondiale de composants destinés à l’IA, dans un contexte où la demande explose.
Certains observateurs craignent également que cette situation ne conduise à un ralentissement des avancées scientifiques dans le domaine de l’IA, la collaboration internationale devenant plus difficile dans un environnement géopolitique tendu.
Quelle suite pour ce conflit technologique ?
Si la Chine a promis des « mesures résolues » en réponse aux restrictions américaines, la nature exacte de ces rétorsions reste floue. Pékin pourrait cibler les entreprises américaines opérant en Chine, notamment dans le secteur automobile ou les services numériques.
Une chose est certaine : cette nouvelle escalade marque un nouveau chapitre dans la guerre technologique entre les deux géants, avec des répercussions potentiellement durables sur l’économie numérique mondiale.