Warner Bros. Discovery : le naufrage vidéoludique et la quête d’une nouvelle boussole
Warner Bros. Discovery (WBD) traverse une véritable tempête dans le monde du jeu vidéo. L’annonce en novembre dernier d’une perte colossale de 300 millions de dollars sur l’année 2024 a secoué le géant du divertissement. Des jeux comme MultiVersus et Suicide Squad: Kill the Justice League, censés être des fers de lance, se sont transformés en boulets financiers. Face à ce désastre industriel, l’entreprise se recentre sur quelques valeurs sûres, espérant ainsi redresser la barre et reconquérir un marché du jeu vidéo en pleine expansion.
Des pertes abyssales et un constat d’échec
Les chiffres du rapport financier trimestriel de WBD donnent le vertige. Une chute des revenus de 37% et une explosion des coûts opérationnels de 47% témoignent de la profonde crise traversée par la division gaming. Le bilan est sans appel : 200 millions de dollars engloutis par Suicide Squad: Kill the Justice League et plus de 100 millions évaporés dans MultiVersus. Ce dernier titre, pourtant prometteur avec son concept de jeu de combat multijoueur réunissant les personnages emblématiques de Warner Bros. (Batman, Bugs Bunny, Sammy…), a finalement accusé un déficit colossal de 122 millions de dollars. David Zaslav, PDG de WBD, n’a pas mâché ses mots, qualifiant ces résultats de « très éloignés du potentiel attendu ». Un euphémisme.
Changement de cap : la stratégie des quatre piliers
Pour stopper l’hémorragie, WBD opère un virage stratégique radical. Exit la multiplication des lancements (jusqu’à 20 jeux en développement simultanément !) et la dispersion des efforts. Place à une concentration sur quatre franchises porte-étendard : Hogwarts Legacy (dont une suite est déjà activement en préparation avec un statut « très prioritaire »), Mortal Kombat, Game of Thrones et l’univers DC. Gunnar Wiedenfels, directeur financier de WBD, justifie ce recentrage sur la qualité comme un moyen de « stabiliser l’activité jeu ». Un aveu implicite de l’échec de la stratégie précédente.
La faute à qui ? L’ère Haddad et l’absence de vision
L’échec cuisant de WBD dans le jeu vidéo ne s’explique pas uniquement par des choix marketing ou des problèmes de développement ponctuels. Des sources internes, à la fois des anciens et des actuels employés, pointent du doigt l’absence de leadership et de vision cohérente sous l’ère David Haddad, l’ancien responsable de la division gaming. Son départ en 2023 a laissé un vide stratégique que la direction n’a pas su combler, conduisant à des décisions précipitées et à la sortie de jeux non aboutis. Une politique de « publication prématurée » qui a plombé la réputation de certains titres et coûté cher à l’entreprise. David Zaslav lui-même a reconnu la nécessité d’une « gouvernance renforcée » pour éviter de reproduire les erreurs du passé. Un mea culpa en forme d’autocritique.
L’avenir : entre pragmatisme et incertitude
WBD semble avoir tiré les leçons de ses déboires. L’entreprise mise désormais sur une gestion plus rigoureuse des projets, avec des cycles de développement allongés et un accent prononcé sur l’expérience utilisateur. La collaboration avec des studios externes pour enrichir les univers de franchises comme DC Comics ou Game of Thrones semble également être une piste sérieusement envisagée par Jean-Briac Perrette, président des jeux et du streaming chez WBD.
Ces ajustements témoignent d’une volonté de reconstruire une division gaming solide et performante. Le chemin vers la rentabilité est néanmoins semé d’embûches. Dans un secteur du jeu vidéo en constante évolution et marqué par une concurrence féroce, WBD devra faire preuve d’agilité et d’innovation pour rattraper son retard. La tâche est immense, mais le géant du divertissement possède des atouts de taille (des franchises puissantes et un vaste réseau de studios) pour se relever de ce revers cuisant et s’imposer durablement dans l’industrie du jeu vidéo. Reste à savoir si cette nouvelle stratégie portera ses fruits. L’avenir nous le dira.