Le gouverneur de l’État de Washington, Bob Ferguson, a approuvé mardi un ensemble de mesures fiscales controversées visant à combler le déficit budgétaire colossal de 16 milliards de dollars. Ces nouvelles taxes, qui ciblent particulièrement les géants de la tech comme Microsoft et Amazon, ont immédiatement déclenché une vague d’inquiétudes dans le secteur technologique, pilier de l’économie locale.
Un cocktail fiscal pour renflouer les caisses de l’État
Les nouvelles lois comprennent plusieurs volets majeurs :
- Une augmentation des taux d’imposition sur les entreprises (Business and Occupation tax, ou B&O)
- Une extension de la taxe de vente aux services numériques
- Une hausse significative de la surtaxe informatique pour les géants tech
Ferguson, qui a pris ses fonctions en janvier, affirme avoir cherché un équilibre entre réductions budgétaires et nouvelles taxes pour faire face au déficit. Les recettes supplémentaires financeront les écoles publiques, les soins de santé, les services sociaux et d’autres programmes essentiels.
« Nous savons déjà qu’il pourrait y avoir des conséquences imprévues qui devront être traitées », a-t-il reconnu lors d’une conférence de presse mardi. « Le monde des affaires peut s’attendre à ce que je prenne contact pour discuter des impacts de ces taxes. »
Les mesures en détail
Le projet de loi 5814 du Sénat étend la taxe de vente au détail de l’État pour inclure les services numériques et professionnels tels que les agences de publicité, les entreprises de développement de logiciels et les fournisseurs de support informatique. Les entreprises devront commencer à collecter cette taxe auprès de leurs clients à partir d’octobre 2025.
Le projet de loi 2081 de la Chambre augmente le taux de la taxe B&O et ajoute une nouvelle surtaxe pour les entreprises dont le revenu imposable annuel dépasse 250 millions de dollars.
Plus frappant encore, ce projet augmente la « surtaxe informatique avancée » – payée par les grandes entreprises technologiques comme Microsoft et Amazon – de 1,22 % à 7,5 %, avec un nouveau plafond de 75 millions de dollars par an, contre 9 millions auparavant. En contrepartie, les entreprises payant cette surtaxe informatique sont exemptées de la nouvelle surtaxe B&O.
Selon les projections :
- Le projet de loi 5814 devrait générer plus de 1,1 milliard de dollars de recettes au cours des deux prochaines années
- Le projet de loi 2081 rapportera plus de 2 milliards de dollars sur la même période
Impact sur les plus-values et les crédits pour véhicules électriques
Le gouverneur a également signé le projet de loi 5813 du Sénat, qui modifie la taxe sur les plus-values en créant une structure de taux progressive :
- 7 % sur les gains jusqu’à 1 million de dollars
- 9,9 % sur les gains supérieurs à 1 million de dollars
Cette mesure, particulièrement sensible dans l’écosystème tech où les rémunérations incluent souvent des actions et des participations, avait déjà créé des divisions lors de son adoption initiale en 2021.
Autre mesure notable, le projet de loi 2077 de la Chambre instaure une nouvelle taxe sur les crédits pour véhicules électriques qui affectera particulièrement Tesla.
L’inquiétude du secteur technologique
Ces nouvelles mesures fiscales suscitent de vives inquiétudes dans le secteur technologique, qui représente 22 % de l’économie de l’État.
Kelly Fukai, PDG de la Washington Technology Industry Association, ne cache pas son appréhension :
« Nous sommes très préoccupés par l’impact sur nos entreprises, et par la possibilité que certaines décident de se développer hors de l’État de Washington, voire renoncent à s’y installer. »
« Nous pensons que l’État de Washington est l’endroit où l’innovation devrait se produire. Nous avons tous les ingrédients nécessaires, et nous voulons nous assurer de les conserver. »
Kris Johnson, président de l’Association of Washington Business, estime quant à lui que la nouvelle taxe de vente désavantagera les petites entreprises face à leurs concurrentes hors de l’État.
« Le budget signé aujourd’hui ne rend pas Washington plus abordable. Il rend Washington plus cher. »
Des alternatives abandonnées et un système fiscal critiqué
Il est à noter que les législateurs avaient précédemment proposé un impôt sur la fortune et une taxe sur les salaires qui avaient provoqué une forte opposition des entreprises technologiques, dont Microsoft. Ces deux taxes n’ont finalement pas été adoptées.
Washington fait partie des rares États américains sans impôt sur le revenu des personnes physiques ou des sociétés. La majorité des recettes de l’État provient des taxes sur les ventes, la propriété et des taxes B&O – un système que les critiques accusent de peser de façon disproportionnée sur les résidents à faibles revenus.
La représentante April Berg (D-Mill Creek), présidente de la Commission des finances de la Chambre, défend ces mesures :
« Les écarts entre les familles de travailleurs et les gains réalisés par les plus riches de notre État ont entraîné un financement insuffisant de nos écoles, un filet de sécurité qui est menacé à chaque baisse des recettes fiscales ou hausse des coûts, et des Washingtoniens qui travaillent dur mais peinent à joindre les deux bouts. »
Un équilibre difficile à trouver
Le gouverneur Ferguson a également annoncé avoir opposé son veto à certains éléments du budget, pour un montant total d’environ 25 millions de dollars, soulignant ainsi sa volonté d’exercer un contrôle sur les dépenses.
Ces nouvelles mesures fiscales illustrent le dilemme auquel font face de nombreux États américains : comment maintenir des services publics essentiels tout en préservant un environnement économique attractif, particulièrement pour les secteurs à forte croissance comme la technologie.
Pour l’État de Washington, dont l’économie est fortement dépendante du secteur technologique, l’enjeu est de taille. Si ces taxes permettront de combler partiellement le déficit budgétaire à court terme, leur impact à long terme sur l’écosystème d’innovation local reste incertain et suscite de légitimes inquiétudes.