Moscou, 2025 – L’étau se resserre autour de YouTube en Russie.
La plateforme vidéo, jadis espace de liberté d’expression et d’information alternative, se vide peu à peu de ses utilisateurs russes. Les données de Google, alarmantes, montrent une chute vertigineuse du trafic, de l’ordre de 66% par rapport à l’année précédente. Derrière ce coup de frein brutal, la stratégie du Kremlin visant à asphyxier l’accès à YouTube et à rediriger les internautes vers des plateformes sous contrôle étatique, comme RuTube ou VKontakte.
Depuis 2024, le gouvernement russe a progressivement intensifié ses efforts pour « ralentir » YouTube, passant d’une simple baisse de débit à un blocage quasi-total. Officiellement, Moscou accuse Google de ne pas coopérer avec les autorités et de diffuser des contenus « illégaux ». Une accusation fermement démentie par la firme américaine qui pointe du doigt les manipulations techniques du Kremlin pour perturber l’accès à la plateforme.
Cette « guerre numérique » a des conséquences profondes sur l’accès à l’information en Russie. YouTube était devenu un refuge pour les voix dissidentes, les journalistes indépendants et les citoyens cherchant à s’informer en dehors des médias officiels, largement contrôlés par le pouvoir. Avec le ralentissement, puis le blocage progressif de la plateforme, c’est toute une fenêtre sur le monde qui se ferme pour les Russes.
Les experts craignent un renforcement du contrôle de l’information par l’État. La migration forcée des utilisateurs vers des plateformes comme RuTube et VKontakte, soumises à une censure stricte, permet au Kremlin de modeler le paysage médiatique et de diffuser sa propre narrative. Un scénario qui rappelle la situation en Chine où les géants américains du web sont bloqués et remplacés par des alternatives locales sous surveillance étroite.
Le cas de YouTube en Russie illustre une tendance mondiale inquiétante : la fragmentation de l’internet et la montée des « sphères numériques » nationales. De plus en plus d’États autoritaires cherchent à contrôler l’information en ligne, en érigeant des barrières numériques et en promouvant leurs propres champions technologiques. Cette balkanisation du web représente un défi majeur pour la liberté d’expression et l’accès à une information pluraliste.
Au-delà du cas YouTube, d’autres plateformes américaines, comme Facebook, Instagram et Twitter, sont également dans le viseur des autorités russes. L’avenir du web en Russie s’annonce de plus en plus cloisonné et contrôlé, avec un accès restreint aux sources d’information internationales. L’utilisation de VPN et d’autres outils de contournement est en constante augmentation, signe que les Russes cherchent à préserver leur accès à une information libre et diversifiée, malgré les efforts du Kremlin pour les en empêcher.
La pression exercée sur les grandes entreprises technologiques occidentales en Russie ne se limite pas aux questions de censure. Le Kremlin cherche également à favoriser le développement de son propre écosystème numérique, en soutenant des entreprises nationales et en imposant des règles strictes aux acteurs étrangers. L’objectif affiché est de renforcer la « souveraineté numérique » du pays, quitte à sacrifier la liberté d’information sur l’autel de ce nationalisme digital.